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3.000 ronds-points en Loire-Atlantique, contre moins de 100 dans d'autres départements ?

Publié le 15 novembre 2022 à 18h18, mis à jour le 16 novembre 2022 à 18h12

Source : Sujet TF1 Info

Une carte de France des ronds-points est relayée en masse sur les réseaux sociaux.
Elle montre qu'on en recenserait plus de 3000, rien qu'en Loire-Atlantique, bien plus qu'ailleurs dans l'Hexagone.
Si les chiffres restent soumis à caution, un spécialiste contacté par TF1info confirme qu'à Nantes et dans ses environs, ces aménagements sont plus répandus qu'ailleurs.

"La Loire-Atlantique, il s’est passé quoi dans vos têtes ??" Ce message, un brin provocateur, a été partagé et liké plusieurs dizaines milliers de fois en l'espace de quelques jours sur les réseaux sociaux. Il s'accompagne d'une carte surprenante : on y voit une répartition du "nombre de ronds-points par département" et montre que la Loire-Atlantique bat des records puisqu'elle compterait plus de 3.000. Un total qui serait même supérieur à celui de 15 départements français cumulés ! 

Un chiffre réévalué à la hausse avec les outils modernes

Ces chiffres sont-ils fiables ? Y a-t-il vraiment une spécificité de la Loire-Atlantique par rapport aux autres départements ? Pour le savoir, TF1info a contacté Eric Alonzo, professeur à l'école d'architecture de la ville & des territoires Paris Est. Spécialisé dans l'aménagement urbain, il s'est penché sur les ronds-points et leur histoire en France. Il précise d'ailleurs d'emblée qu'il est plus approprié d'utiliser le terme de "carrefour giratoire".

Dans un ouvrage paru en 2005 et intitulé "Du rond-point au giratoire", le spécialiste avait cherché à connaître le nombre précis de giratoires sur le territoire. Une mission délicate : "J'étais tombé sur des données des années 1990, venant de ce que l'on nommait à l'époque les directions départementales de l'Équipement (DDE). Une enquête avait été réalisée, mais tous les départements n'avaient pas répondu." On estimait alors par extrapolation le nombre total de giratoires à plus de 12.000 fin 1994, et l'on s'attendait à ce que la barre des 18.000 soit franchie en l'an 2000. 

Aujourd'hui, faute de décompte officiel des autorités, de nouvelles méthodes sont employées. Sur son blog, un internaute débrouillard a utilisé des programmes informatiques pour comptabiliser les giratoires sur des outils de cartographie en ligne. Il détaille sa méthodologie et est arrivé en 2018 au constat que la France comptait "65.127 carrefours giratoires". Eric Alonzo reconnaît qu'il n'a pas "des connaissances spécifiques" lui permettant de juger de la fiabilité de ce décompte, mais estime que l'approche décrite pour parvenir à ces estimations est intéressante. La marge d'erreur, en pratique, semble en effet assez réduite.

Les données reprises sur la carte relayée en ligne proviennent de ces travaux. C'est ainsi que la Loire-Atlantique apparaît largement en tête parmi tous les départements, avec 3.075 giratoires. Ces derniers sont nombreux sur la façade ouest du pays, ainsi que dans les zones densément peuplées (Côte d'Azur, Nord-Pas-de-Calais...). Au contraire, on n'en recenserait que 8 à Paris, 82 en Lozère et 91 dans la Creuse.

S'il reste prudent quant aux chiffres en valeur absolue, Eric Alonzo n'est pas étonné par ce constat. Il explique que la France et les États-Unis se disputent la création du rond-point, mais fait remarquer que c'est outre-Manche que celui que nous connaissons aujourd'hui à vu le jour, donnant la priorité au véhicule déjà engagé. Avant les années 1970, "les giratoires étaient rares en France et la priorité était toujours à droite", souligne l'expert. Mais en Angleterre, depuis les années 1960, on constate leur efficacité au niveau de la sécurité ou pour fluidifier le trafic via la priorité donnée au sortant. Au point de susciter un débat en France. Certains "prétendent que nous sommes latins, que ces ronds-points demandent un fair play à l'anglaise", mais plusieurs territoires se portent volontaires, comme l'Essonne, une partie de la Bretagne, les Bouches-du-Rhône ou encore... La Loire-Atlantique. Déjà.

Un mode à laquelle contribue Jean-Marc Ayrault

Avant que la règle de priorité actuelle dans les giratoires ne soit adoptée à l'échelle de tout le pays, en 1983, "des départements obtiennent des dérogations à titre expérimental". En Loire-Atlantique, "on observe en parallèle une spécificité supplémentaire", fait remarquer Eric Alonzo. Dans son livre, il rapporte qu'en 1980, un voyage en Angleterre est organisé pour une vingtaine de techniciens et d'élus. On retrouve parmi eux un certain Jean-Marc Ayrault. Encore loin d'accéder à Matignon, celui qui est alors jeune maire de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) est convaincu par les giratoires britanniques. De retour chez lui, il va contribuer à les importer et les développe en nombre. Il fera d'ailleurs de même à Nantes, lorsqu'il en prendra les rênes. C'est bien simple : ces deux villes font partie des six municipalités de France qui comptent le plus de giratoires sur leur territoire. 

Dans notre pays "très centralisé", une généralisation des giratoires à l'anglaise a été observée, "mais l'on retrouve aujourd'hui des territoires où ils sont plus fréquemment utilisés", note Eric Alonzo. Il note que rapidement, "un effet de mode" est apparu, chaque élu souhaitant avoir son ou ses propres giratoires. Dans des départements ruraux, leur nombre reste toutefois plus limité, la circulation ne nécessitant pas toujours ce type d'aménagements. On note enfin que Paris demeure une exception à l'échelle de la France. La ville "n'a jamais généralisé le décret de 1983" et n'a pas utilisé le giratoire comme un outil de régulation de la circulation ou de sécurité. Si bien que l'on n'en recense qu'une grosse poignée, dont celui de la place de l'Étoile.

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Thomas DESZPOT

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