ALCOOL AU VOLANT - La Sécurité routière vient de mettre en ligne une carte nationale des installateurs d'EAD, les éthylotests anti démarrage électroniques. Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit en routier, nous explique pourquoi de plus en plus de conducteurs vont devoir équiper leurs véhicules de ces appareils.
Il peut se substituer à une condamnation pour conduite en état d'ivresse. L'éthylotest anti-démarrage (EAD), cet appareil qui mesure le taux d'alcool dans l'air expiré par un conducteur s’apprêtant à prendre le volant, est associé au système de démarrage du véhicule. En cas de consommation d'alcool, le dispositif empêche le démarrage. L'EAD qui est placé dans le véhicule par un installateur agréé, séjournera quelques mois dans l'habitacle en fonction de la durée retenue par le préfet ou le juge à l'initiative de la mesure.
En soit l'EAD n’est pas une nouveauté, les textes en matière de délinquance routière en font depuis longtemps sa promotion. La loi LOPPSI II du 14 mars 2011 annonçait déjà la généralisation de ce dispositif. Dans les faits cette loi a surtout permis d’engager un long processus d'élaboration d'un cadre réglementaire.
Si d’un point de vue technique, le dispositif pouvait se passer de l’intervention du pouvoir réglementaire, son usage au sein d’un véhicule par un conducteur condamné ou en passe de l'être pouvait susciter quelques questions. En effet, si l'EAD est depuis longtemps présent dans l’habitacle des cars de transport scolaire, son usage par un particulier devait être strictement balisé par le Code de la route pour éviter, par exemple, que l’utilisateur ne fasse souffler un tiers dans l’appareil pour faire démarrer le véhicule…
Un coup d’accélérateur au niveau des textes
En terme de lutte contre la sécurité routière, l'EAD présente de nombreux avantages. Il s’inscrit à la fois dans le quotidien du conducteur (sans doute beaucoup plus que ne pourrait le faire une peine de prison avec sursis parfois un peu abstraite) et surtout, cet appareil joue le rôle d’un véritable filet de sécurité empêchant la conduite en cas de consommation d’alcool excessive.
Concernant le conducteur privé de permis, l'EAD offre la possibilité de continuer de se déplacer. L'EAD permettra, ainsi, à certains conducteurs de poursuivre leur activité professionnelle et l'EAD pourra éviter un licenciement ou une mise en difficulté de leur entreprise. Dans des secteurs isolés et non desservis par les transports en commun, la possibilité de conduite avec EAD évitera également à certains conducteurs de reprendre le volant malgré l’interdiction qu’il leur aurait été faite de conduire et de risquer à nouveau les foudres de la justice.
L'EAD présente ainsi des avantages indéniables et il aurait été dommage de ne les réserver qu’aux privations de permis judiciaires. L'EAD peut donc être utilisé à la fois par le préfet et par le juge. Et pour être tout à fait complet, on notera que l'installation d'un EAD peut également être prescrite par les commissions médicales départementales (EAD médico-administratif), même si l'hypothèse est à ce jour plus rare.
L’obligation de conduire un véhicule équipé d’un EAD peut ainsi être substituée à une mesure de suspension administrative ou à une peine complémentaire de suspension et même d’annulation du permis de conduire.
Un EAD au lieu de la suspension de permis préfectorale
Lorsqu’un conducteur est arrêté après une infraction grave et notamment des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou de conduite en état d’ivresse manifeste, les agents des forces de l’ordre procèdent au retrait du titre contre la remise d’un avis de rétention du permis de conduire qui couvre une durée de 120 heures. C’est dans ce délai de 120 heures que le préfet va prendre une décision de restriction de conduite. Cette mesure peut prendre la forme d’une suspension ou de l’obligation de conduire un véhicule équipé d’un EAD.
Dans la pratique les préfets ne réservent cette possibilité de l'EAD qu'aux conducteurs non récidivistes et dont le taux d’alcool au moment des faits reste "mesuré" même s'il dépasse déjà fortement le seuil délictuel. D’ordinaire d’une durée maximale de six mois, pour une mesure de suspension de permis, la décision préfectorale peut désormais porter sur une durée plus longue lorsqu’il s’agit d'EAD.
Le Décret n° 2020-605 du 18 mai 2020 (portant diverses dispositions en matière de sécurité routière) allonge ainsi à un an la durée maximale de la mesure préfectorale lorsqu’elle contraint le conducteur à ne prendre les commandes que d’un véhicule équipé d’un EAD. En pratique, le conducteur pourra retrouver le volant, l'arrêté du préfet lui ouvrant le bénéfice de l'EAD lui tiendra lieu de titre de conduite. L'intéressé devra également se munir lorsqu'il circulera des documents attestant de la bonne installation de l'appareil.
Attention, l'arrêté du préfet autorisant la conduite d'un véhicule équipé d'un EAD ne permet la circulation que sur le territoire national, impossible par exemple pour un frontalier de passer la frontière. Dans les faits, la mesure du préfet pourrait être abrégée par la décision du juge pénal. La mesure préfectorale a en effet vocation à s’effacer pour laisser la place à la décision judiciaire. Et on rappellera que ce n’est pas parce que le préfet accorde à un conducteur la possibilité de bénéficier d’un EAD que le juge sera contraint de le faire également. Le juge peut parfaitement condamner un conducteur ayant effectué la mesure préfectorale avec un EAD à une suspension de permis de conduire traditionnel sans EAD.
Un équipement de rigueur en matière de récidive
Jusqu’à présent, une condamnation pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique en état de récidive légale impliquait l’annulation du permis de conduire de l’intéressé. Cette peine d’annulation est une peine dite de "plein droit" que le juge n’a pas la faculté d’écarter à partir du moment où il condamne le conducteur. La seule marge de manœuvre du juge réside, en réalité, dans la durée d’interdiction de solliciter un nouveau titre qui est assortie à cette annulation.
Avec la Loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, le dispositif évolue : l’annulation du permis de conduire est désormais assortie d’une période de conduite sous EAD. L'Article L234-13 du Code de la route, remanié, précise désormais que lorsqu'une condamnation pour récidive d'alcool au volant "donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par construction d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique pendant une durée de trois ans au plus, applicable à compter de la date d'obtention d'un nouveau permis de conduire ; cette interdiction ne s'applique cependant pas si ce nouveau permis a été obtenu plus de trois ans après l'annulation du précédent. A l'issue de cette période d'interdiction, l'intéressé est soumis à un contrôle médical de l'aptitude à la conduite."
La liste des installateurs d'EAD
Avec ces nouveaux textes, les conducteurs à la recherche d'un installateur d'EAD se sont logiquement multipliés. Pour répondre à la demande des justiciables, la Sécurité routière vient de mettre en ligne une carte nationale des installateurs agréés d'EAD, par département et par région.
Le conducteur pourra donc plus facilement trouver l'établissement de son choix parmi les 226 établissements répartis sur le territoire ayant obtenu une qualification de l’Union technique de l’automobile et du cycle (UTAC) et l’agrément des préfectures pour procéder à l’installation d’EAD.
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TF1 Info