MÉTAMORPHOSE - Qui n’a pas rêvé de mettre un tigre dans son moteur ? La présence de plus en plus importante d’électronique sous le capot peut techniquement permettre une augmentation de la puissance, mais est-ce bien légal ? Les réponses de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.
Beaucoup de questions reviennent régulièrement de la part des amateurs de véhicules un peu sportifs sur ce qu’il est possible de modifier sur son auto. Les sites internet regorgent de pièces spécifiques : échappement, suspension, admission... et bien sûr électronique. Certains sites marchands affichent des mentions relatives à des homologations ou des certifications.
Si l’on se doute bien que l’on ne va pas faire poser un boitier électronique "label rouge" sur son véhicule, on peut néanmoins se laisser un peu tromper par ces sigles. A noter qu'à l'étranger, le fait de monter une pièce ayant fait l’objet d’une homologation peut permettre de conserver un véhicule homologué et de rouler en toute légalité par rapport aux exigences du Code de la route s’appliquant dans certains pays.
En France, homologué ou pas ?
Cette homologation peut, pour le consommateur français, être un gage de qualité quant à la fiabilité de la pièce et le pousser vers un acte d’achat. Néanmoins cette homologation ne permet aucunement en France de pouvoir faire monter la pièce sur son véhicule. La législation française est malheureusement (ou heureusement) assez simple, il n’est pas possible de modifier son véhicule.
Pas de problème bien sûr pour des modifications mineures comme des éléments de protection de pare-chocs ou des éléments de mobilier d’intérieur. En revanche, dès lors que l’on va toucher à des éléments pouvant modifier le comportement routier du véhicule (freinage, suspension, élément de structure, de sécurité…) et a fortiori la puissance ou les performances, le véhicule n’est plus conforme à son homologation.
Une procédure d'homologation pour rouler
En France, la seule possibilité de rouler légalement passe par une procédure d’homologation, on va parler de "réception à titre isolée" (RTI). Les démarches seront moins lourdes et coûteuses que celles exposées par un constructeur automobile (on ne va pas soumettre le véhicule au crash test par exemple…) mais l’administration saura se montrer exigeante… L’aventure est donc loin d’être gagnée pour un particulier qui souhaiterait modifier son véhicule et régulariser sa situation administrative.
L'article R321-16 du Code de la route précise que "tout véhicule isolé ou élément de véhicule ayant subi des transformations notables est obligatoirement soumis à une nouvelle réception. Le propriétaire du véhicule ou de l'élément de véhicule doit demander cette nouvelle réception au préfet." Théoriquement, un véhicule modifié aux performances boostées à coup de reprogrammation électronique sauvage ou grâce à l’arrivée de nouveaux boîtiers électroniques ne peut pas légalement circuler.
Un risque de verbalisation rare aujourd’hui mais…
Si des modifications lourdes en carrosserie (on pense aux pratiques un peu moins à la mode aujourd’hui de tuning) peuvent attirer aisément les foudres des agents verbalisateurs, la plupart du temps les modifications électroniques passeront inaperçues. Mais attention les agents peuvent désormais avoir accès à l’électronique du véhicule. En cas de contrôle très poussé, le pot aux roses peut être découvert, et il n’est pas interdit de penser que demain des contrôles plus fréquents pourraient être menés avec des agents mieux équipés.
Un assureur rarement content
Si les modifications apportées sur un boîtier électronique échappent généralement aux radars des forces de l’ordre, en cas d’accident et d’expertise, l’expert en automobile risque de mettre à jour ces changements. Le coup d’œil à l’électronique devient en effet de plus en plus courant en matière d’expertise automobile. Des outils de diagnostics ont même été développés spécifiquement à destination des experts. L’Alliance nationale des experts en automobile (ANEA) a notamment conçu une "valise" qui est proposée à ces professionnels qui n’ont plus qu’à se brancher à la prise OBD du véhicule pour mener leurs inspections.
L’identification d’une modification de l’électronique du véhicule pourra pousser une compagnie d’assurance à ne pas couvrir le sinistre. Outre le fait que le véhicule ne correspond plus à son homologation, les améliorations techniques et surtout la puissance en hausse si elles avaient été portées à la connaissance de l’assureur, auraient certainement modifié son appréciation du risque lié à la conduite de ce véhicule. Pour une compagnie d’assurance, le risque lié à la conduite d’une Twingo ou une Peugeot 108 n’est en effet pas identique à celui que peut représenter la conduite d’une voiture plus sportive comme une Porsche ou une Ferrari. Et le raisonnement sera similaire si la Twingo, après une manipulation électronique, ressort avec une centaine de chevaux en plus.
Une reprogrammation du boîtier électronique d’un véhicule ou l’adjonction d’une puce spécifique peut donc coûter très cher si la compagnie ne couvre plus le sinistre.
Un véhicule invendable
Si les experts en automobile musclent le jeu en matière d’électronique embarquée, le contrôle technique a, pour sa part, connu une sérieuse mise à niveau avec désormais des exigences de plus en plus pointues en matière d’émission de polluants, avec notamment des problématiques d’opacité des fumées. A l’évidence, des modifications apportées de façon un peu sauvage sur l’électronique d’un véhicule pour en augmenter les performances peuvent entraîner une hausse des rejets polluants, la voiture peut alors être recalée pour ce simple aspect. Sans contrôle technique, la cession du véhicule devient problématique.
Et au-delà du contrôle technique, l’acheteur d’un véhicule d’occasion est en droit d’attendre de son bien qu’il corresponde à son homologation. Le récent propriétaire qui viendrait, à l’occasion par exemple d’un passage chez le concessionnaire à découvrir que son véhicule a fait l’objet d’une modification de l’électronique pourra se retourner contre son vendeur.
Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.
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