POINT JURIDIQUE - L’instauration d’un confinement de plus en plus strict bouscule le droit de la circulation. PV, attestation, contrôle technique, vélo... Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile, nous détaille les nouvelles règles et les nouvelles sanctions.
La Loi d’Urgence 2020-290 et le décret 2020-293 du 23 mars 2020 sur le confinement plantent, entre autres, un nouveau décor en matière de droit routier.
La principale innovation concerne bien évidemment les restrictions au déplacement. Le dispositif mis en place par les pouvoirs publics repose largement sur un système d’attestation qui permet aux usagers de circuler dans certains cas limitativement prévus. L’attestation, qui a déjà remaniée (voir vidéo ci-dessous), doit être pré-rédigée. L’usager devra indiquer le motif de son déplacement parmi les dérogations visées sur le document téléchargeable sur le site du Ministère de l'Intérieur.
En cas de circulation sans attestation, la sanction pourra être lourde, le dispositif mis en place par les pouvoirs publics reposant sur une répression qui va crescendo. Les nouvelles dispositions de l’article L 3136-1 du Code de la santé publique permettent désormais aux agents de dresser un avis de contravention de 135 € à ceux qui circuleraient sans raison valable.
Attention à la récidive
Le mécanisme de verbalisation repose sur le principe de l’amende forfaitaire. On retrouve donc logiquement les montants forfaitaires applicables aux contraventions de quatrième classe. Comme pour ce qui se pratique pour bon nombre d’infractions au Code de la route, le contrevenant recevra donc à son domicile un avis de contravention. Il aura un délai de 45 jours (et même 60 jours en cas de paiement par Internet) pour régler cette amende. En l’absence de paiement volontaire dans les délais de la part du contrevenant, sera émis un titre exécutoire entraînant la majoration de l’amende. L’addition s'élèvera alors à 375 €.
Mais les dispositions de l’article L 3136-1 du Code de la santé publique ne se contentent pas d’une simple contravention de quatrième classe. La constatation d’une nouvelle violation dans un délai de 15 jours fait passer l’amende au montant prévu pour les contraventions de cinquième classe. On n’en parle plus alors d’une amende forfaitaire à 135 € mais d’une amende de 1500 €. Mais l’aggravation des peines va encore plus loin. La verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours permet l’application de nouvelles peines. L’article L.3136-1 prévoit alors des peines pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement, 3750 € d’amende et des peines complémentaires de travail d’intérêt général. Si la violation du confinement a été commise à l’aide d’un véhicule, le conducteur s’expose alors également à une peine de suspension de permis de conduire pouvant aller jusqu’à trois ans.
Ce dispositif inédit ne manquera pas d’interpeller les juristes, la verbalisation et l'amende forfaitaire dressée à la suite de la constatation de cette infraction peuvent bien sûr être contestées. La situation actuelle ne permettra néanmoins pas d’espérer une comparution rapide devant un tribunal de police. Et en attendant pourraient être constatées d’autres violations conduisant à prononcer des peines évoquées précédemment…
Eviter les contrôles routiers ? Une très mauvaise idée
Ceux qui sortiraient sans être munis de la fameuse attestation ou qui circuleraient pour des motifs fantaisistes pourraient être tentés d’éluder les contrôles de police ou de gendarmerie. On rappellera qu'ils s’exposent à des poursuites judiciaires pour refus d’obtempérer. Il s’agit d’un délit, pour lequel le Code de la route prévoit des sanctions lourdes : avec notamment un an de prison, 7500 euros d'amende, trois ans de suspension ou même d'annulation du permis de conduire, la confiscation d'un ou plusieurs véhicules du conducteur sans parler des 6 points de permis de conduire en moins (Article L233-1 du Code de la route).
Si la mise en danger de la vie d'autrui (celle des gendarmes par exemple) est retenue, le Code de la route prévoit des peines encore plus lourdes : cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende, les durées maximale de suspension ou d'annulation du permis de conduire passent de trois à cinq ans... (Article L233-1-1 du Code de la route).
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Pas de faux !
Pas de chien à sortir, pas de rendez-vous médical vital, pas de convocation en justice… Certains pourrait être tentés de travestir la réalité sur la fameuse attestation pour justifier une sortie. Attention néanmoins, ce genre d’arrangements avec la vérité est en réalité un délit. On parlera de faux et d’usage de faux et plus particulièrement de faux intellectuel. Les étudiants endroit connaissent bien la distinction : d’un côté le faux matériel pour lequel le faussaire ressortira paire de ciseaux, correcteur blanc ou logiciel de retouche. Et de l’autre côté, le faux intellectuel à l’occasion duquel sera couché sur un écrit une information que l’on sait pertinemment fausse.
Les nouveaux adeptes du jogging ou des virées automobiles injustifiées pourront se pencher sur les dispositions très claires de l’article 441-1 du code pénal à ce sujet : "Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende".
Qui du contrôle technique et du vélo ?
Compliqué pour les automobilistes dont le contrôle technique expire de se mettre en règle : de nombreux centres ont cessé toute activité, et rappelons-le les déplacements doivent être limités au maximum. Le ministère a donc choisi d'accorder un délai de 3 mois (à compter du 24 mars 2020) pour la visite périodique. Ce délai porte à la fois sur les contrôles et sur les contre-visites. Il ne concerne que les véhicules légers - pour les poids lourds c'est une petite tolérance de 15 jours (pour ces véhicules, les centres de contrôles dédiés fonctionnent encore).
Parce que le droit de la circulation, ne concerne pas que les automobilistes et les motards, rappelons qu'il est aujourd'hui toujours possible de circuler à vélo. Le ministère de l'Intérieur communique pourtant des informations contraires. Sur les réseaux sociaux, il explique que la pratique du "vélo de loisir" est proscrite. Une tolérance est accordée aux enfants "lors d'une sortie brève, en étant accompagné par un adulte à pied". Le ministère rappelle aussi que le vélo "peut être utilisé, pour un déplacement (travail, santé, courses...)".
En réalité à ce jour, aucun texte ne proscrit le vélo comme activité de loisir à partir du moment où sont respectées les limites de temps et de distance : pas plus d'une heure et à moins d'un kilomètre du domicile. Rappelons néanmoins, que la période est particulièrement propice à l'éclosion rapide de nouveaux textes... et qu'au delà de la stricte application du droit, le premier des conseils est simple : restez chez vous !
Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.