ADMINISTRATION - Douze points, ça peut se perdre très vite, et voir son permis invalidé peut s’avérer catastrophique pour certains conducteurs. Mais attention à ne pas céder à la panique, notamment vis-à-vis de son employeur. Les explications de maître Jean Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.
Zéro point sur le permis de conduire ne vaut pas forcément son invalidation. Un récent arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 janvier 2020 (RG n°16/13725) offre une belle illustration de cette situation. Dans cette affaire, un salarié conducteur routier avait informé son "employeur qu'il ne pouvait plus prendre le volant faute de point sur son permis".
Après cette annonce, employeur et employé se sont engagés dans la voie de la rupture conventionnelle. Mais celle-ci sera remise en cause ultérieurement par le salarié, après qu’il a réalisé que son permis n’était pas véritablement invalidé, pointant du doigt une erreur de l’administration.
Avec ou sans permis, telle est la question
Dans cette affaire, le chauffeur routier expliquait avoir été informé par les forces de l’ordre, à l’occasion d’un contrôle routier, que son solde de points de permis de conduire était de 0. Mais les agents l'avaient laissé repartir au volant de son camion. Après ce contrôle routier, le conducteur ira s’inscrire à un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Ce stage lui permettant l’ajout de quatre points sur son permis de conduire.
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Permis à 0 point mais encore valide ?
Si les agents ont laissé ce conducteur repartir au volant de son camion, c’est tout simplement parce que l’invalidation de son permis de conduire ne lui avait pas encore été notifiée avec la fameuse lettre recommandée "48SI" signalant l'invalidation. Dans la pratique, les conducteurs peuvent en effet demeurer un certain temps (et, la plupart du temps, ils l’ignorent totalement) avec un solde à 0 sans encore avoir reçu ce courrier.
Dans l’hypothèse où le conducteur aurait été avisé d’un courrier recommandé sans qu’il n’ait pu le récupérer en agence postale, les agents auraient pu procéder au retrait du titre. Mais le contrôle routier et la découverte de ce solde nul peuvent tout à fait survenir avant même l’envoi d’un courrier "48SI".
Un permis encore sauvable ?
La différence est de taille entre un courrier recommandé pas encore envoyé ou envoyé à une mauvaise adresse (mention "NPAI" pour "n’habite pas l’adresse indiquée") et un courrier présenté à domicile mais non réceptionné.
• Si le courrier n’a pas encore été envoyé, le conducteur peut suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière (sous réserve qu’il n’en ait pas déjà suivi moins d’un an avant) et prétendre au bénéfice de 4 points supplémentaires sur son permis.
• Si un avis de passage a été déposé dans la boîte à lettres et que le courrier recommandé n’a pas été récupéré… il ne sera alors plus possible pour un conducteur de faire valider un stage.
Avec ce stage, le conducteur dont la situation a été portée à la connaissance de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a sans doute pris la bonne décision pour sauver son permis. Mais le crédit des points consécutif au suivi d’un stage peut prendre du temps.
Certains conducteurs peuvent également recevoir un courrier "48SI" leur notifiant l’invalidation du permis de conduire après le suivi d’un stage, l’administration n’ayant eu le temps d’enregistrer le crédit de points.
1er conseil : penser au stage
Le réflexe du conducteur routier était donc bon concernant le stage. Et il est possible, en sollicitant auprès des services préfectoraux la communication de son "Relevé d’Information Intégral", de savoir si un courrier "48SI" a déjà été envoyé pour éviter d'en suivre un pour rien.
Attention, s’il est envoyé par voie postale, ce relevé d’Information peut mettre du temps à parvenir au conducteur, qui pourrait recevoir entre temps le courrier "48SI". Le conducteur se rappellera également que l’administration peut mettre du temps à enregistrer sur le relevé d’information l’envoi d’un courrier "48SI".
2e conseil : s'assurer de sa situation avant une rupture conventionnelle
Dans l’affaire portée à la connaissance de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le salarié n’a pu revenir sur la rupture conventionnelle signée avec son employeur. Pour le premier, "son consentement était vicié au moment de la conclusion de la convention de rupture". Il pensait en effet que son permis était invalide alors que le courrier "48SI" ne lui avait pas été encore envoyé. S’il avait su qu’il pouvait sauver son permis de conduire, il n’aurait pas accepté la voie de la rupture conventionnelle.
On passera sur des considérations juridiques (importantes néanmoins) relatives à la contestation tardive par le salarié de la rupture conventionnelle pour s’intéresser à la motivation de la Cour d’appel : "Il appartient à un chauffeur routier de connaître précisément son aptitude à la conduite et le nombre de points restant sur son permis de conduire et de ne pas indiquer d'éléments erronés à son employeur sur ce plan. En conséquence, le salarié ne saurait se prévaloir de l'erreur qu'il allègue et ce d'autant qu'il avait accompli un stage de récupération de points dès le 7 août 2012 et qu'il ne pouvait dès lors avoir de doute sur sa capacité future à retravailler".
Maître J.-B. le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.