LA CHRONIQUE AUTO - Pour éviter les arnaques, un contrat de vente d’occasion bientôt obligatoire ?

Maître J.-B. le Dall (édité par L.V.)
Publié le 13 mars 2020 à 18h45
Un contrat / Photo d'illustration

Un contrat / Photo d'illustration

Source : iStock

DÉMARCHES - Acheter ou vendre une voiture d’occasion pourrait bientôt nécessiter la rédaction d’un contrat. C’est la proposition de loi faite par le Sénateur Alain Fouché en ce début d’année. Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.

L’idée d’un contrat de cession automobile n’est pas nouvelle, nous en parlons même régulièrement dans cette chronique auto. Du point de vue juridique, lorsqu’un vendeur cède son véhicule à un acheteur, il y a un contrat. Un contrat ne nécessite en effet pas le recours à un écrit pour que, du point de vue du droit, une relation contractuelle se noue. 

Les étudiants de première année en droit connaissent bien l’exemple de la boulangerie : pas besoin d’une documentation contractuelle à rallonge pour acheter une baguette de pain. Pour autant, nous avons bien un vendeur ayant des obligations contractuelles comme remettre à son client une baguette, respecter des normes d’hygiène... De son côté, le client du boulanger a lui aussi des obligations, certes plus simples à mettre en œuvre, mais néanmoins essentielles : payer sa baguette.

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Un contrat pour quoi faire ?

L’achat ou la vente d’un véhicule d’occasion impliquera bien évidemment davantage de démarches administratives que l’achat d’une baguette et deux croissants. Du côté du vendeur, en présence d’un véhicule de plus de quatre ans, l’étape du contrôle technique est obligatoire, de même que l’édition d’un certificat de situation administrative. La cession doit être déclarée à l’administration avec une procédure en ligne par le biais du site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). 

Dans le cadre de la déclaration de la cession à l’administration, le véhicule objet de la vente est nécessairement identifié par son numéro d’immatriculation. Mais à part une information finalement assez sommaire, rien n’est précisé sur l’état du véhicule.

Un contrat pour préciser quoi ?

Avec le contrat, vendeur et acheteur peuvent apporter de nombreuses précisions très utiles en cas d’éventuel litige. L’état du véhicule peut être détaillé. On peut retrouver de telles indications sur la petite annonce, si une annonce a été publiée et si bien sûr elle a pu être conservée ou retrouvée… 

Prenons l’exemple d’un véhicule d’une vingtaine d’années affichant près de 300.000 kilomètres, il pourrait être supposé en cas d’avarie que l’acheteur devait bien savoir à quoi s’attendre en faisant l’acquisition d’un véhicule âgé et kilométré. Mais les choses seraient tout autre si le vendeur avait vendu le véhicule comme ayant été intégralement refait (échange standard moteur, boîte refaite, crémaillère de direction neuve, compresseur de climatisation neuf,  circuit de climatisation vérifié,  recharge de gaz de climatisation effectuée, suspension : amortisseur et ressorts neufs, peinture neuve et intérieur en excellent état). Ce n'est, dans ce cas, plus une vieille voiture qui a été achetée mais un bien pour lequel l’acheteur peut légitimement supposer qu’il est fiable et pourra l’accompagner quelques années.

Toutes ces précisions peuvent être mentionnées sur un contrat. 

Voitures d’occasion : attention aux compteurs trafiquésSource : JT 13h Semaine

De même, il est fréquent qu’un acheteur négocie à la baisse le prix d’un véhicule en s’apercevant de tel ou tel défaut ou d’une pièce dont le remplacement est à prévoir. Si rien n’est spécifié ou acté dans un échange de mails, par exemple, si la négociation s’est faite au dernier moment devant le véhicule, un acheteur indélicat pourrait, alors qu’il a obtenu une réduction de prix du fait d’un défaut quelconque, venir quand même s’en plaindre.

Mais un contrat peut également venir préciser d’autres éléments difficilement perceptibles à la simple vue du véhicule. On pense par exemple à des véhicules ayant appartenu à certains chanteurs célèbres. Le fait qu’une berline ait été possédée à l’époque par un Sinatra, un Johnny ou un Claude François peut parfaitement inciter un fan à se porter acquéreur d’un tel modèle. Faire préciser cette particularité dans un contrat et le fait qu’il s’agit pour lui de la raison principale de l’achat lui permettra d’engager un recours s’il vient à découvrir que la seule et unique propriétaire du véhicule était en réalité la belle-mère de son vendeur.

Un contrat bientôt obligatoire ?

Dans sa proposition de loi "tendant à sécuriser la vente de véhicules automobiles d’occasion", le Sénateur Fouché propose de rendre obligatoire la rédaction d’un tel contrat : "Sous peine de nullité, toute vente d’un véhicule automobile d’occasion fait l’objet d’un contrat écrit et le vendeur est tenu de remettre un certificat à l’acheteur retraçant l’historique et les caractéristiques du véhicule tel qu’établi auprès du registre national."

Peut-être une contrainte financière supplémentaire pour l’automobiliste ?

L’aspect obligatoire de la rédaction du contrat est, sans doute, ce qui pourrait permettre à un tel outil de rentrer dans les mœurs. Néanmoins, la mesure proposée par le sénateur Fouché pourrait laisser un goût amer aux automobilistes : "Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts". 

Car dans cette proposition de loi, le Sénateur Fouché ne se limite pas à l’obligation d’un contrat. Il propose également la création d’un "registre national qui rassemble l’ensemble des données se rapportant à un véhicule automobile, et notamment l’historique du kilométrage des véhicules, tel qu’il est notamment relevé à l’occasion d’un passage dans un centre de contrôle technique ou par tout professionnel qui intervient sur le véhicule, la date de la première mise en circulation du véhicule, les changements successifs de propriétaire, s’il a subi des sinistres qui ont donné lieu à une procédure 'véhicule à réparation contrôlée par un expert automobile', la situation administrative du véhicule, ainsi que ses caractéristiques techniques. Les professionnels sont tenus de le renseigner."

Un registre qui ressemble fortement à Histovec

Dans la pratique, les informations qui seraient renseignées sur ce registre sont déjà accessibles sur le site Histovec mis en place  par l’administration il y a un an. Au départ absent de cette plateforme, le kilométrage relevé lors du dernier contrôle technique y fait désormais son apparition. Le site permet également d’avoir accès aux caractéristiques techniques du véhicule, au nombre de propriétaires précédents, aux éventuelles procédures de réparation ayant nécessité un suivi par un expert en automobile.

Cette proposition de loi est évidement louable et de façon générale toute initiative encourageant les consommateurs à sécuriser un acte de vente qui peut parfois engager lourdement les co-contractants d’un point de vue financier. Mais la création du registre pourrait éventuellement être oubliée, Histovec autorisant déjà l’accès à des informations similaires. On pourra également s’interroger sur la lourdeur administrative liée à la cession et notamment les procédures de déclaration en ligne et l’absence d’interlocuteur en préfecture qui laissent parfois des particuliers en plein désarroi. Revers de la médaille, rendu obligatoire, le contrat comme outil de protection du consommateur pourrait rendre une simple vente très compliquée. 

Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI. 


Maître J.-B. le Dall (édité par L.V.)

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