CONFUSION - Les salariés le savent : en cas d’infraction au Code de la route avec une voiture de société, les risques sont grands de se faire désigner par un patron désormais obligé de le faire. Deux ans après la publication de la loi, des incertitudes demeurent néanmoins sur les avis de contravention en cas de non désignation. Les explications de Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a été publiée en novembre 2016. Elle a, entre autres, retouché le Code de la route avec l’obligation pour les chefs d'entreprise de donner à l'administration les identités et les références des permis de conduire des salariés ayant commis une infraction au volant de l'un des véhicules de leur société. Deux ans après, les interrogations juridiques autour de cette obligation sont toujours nombreuses et sèment le trouble chez beaucoup de patrons, parfois incapables de désigner le responsable d’une infraction au volant.
C'est pourtant donc ce que leur impose l'article L.121-6 du Code de la route : "Lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure." Rappelons que que les sociétés sont des personnes morales.
Un paragraphe suivi de la phrase suivante : "Le fait de contrevenir au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe." Soit un montant de 135 euros (minoré à 90 euros en cas de paiement rapide).
Une mauvaise application des textes déjà dénoncée
Les juristes avaient pendant de nombreux mois espéré une prise de position de la part du Conseil constitutionnel sur la conformité de ces dispositions. Avec le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), il est en effet possible à l’occasion d’une procédure de s’adresser directement au Conseil constitutionnel. Plusieurs critères doivent toutefois être remplis pour qu'une telle requête soit transmise aux Sages. Mais pour l’instant aucune des QPC à avoir été rédigées par pléthore d’avocats n’a passé le filtre de Cour de cassation, et donc aucune n'a été transmise au Conseil constitutionnel.
Les infractions qui sont relevées à l’encontre de véhicules de société entraînent l'envoi d'un avis de contravention au représentant légal de l'entreprise. Cet avis de contravention l'informe de l'obligation de désigner le salarié responsable. En l’absence d’une telle désignation, un avis de contravention pour non désignation de conducteur est envoyé à l’entreprise. En théorie, cet avis devrait être adressé au représentant légal. Dans les faits, il est envoyé à l’entreprise. Ce changement d’interlocuteur "permet" à l’administration de multiplier par cinq les montants d’amende qui passent alors à 450 euros (en tarif minoré), 675 euros (en montant forfaitaire) et 1875 euros (en cas d’émission d’une amende forfaitaire majorée à la suite d’une absence de paiement de l’amende forfaitaire).
Cette interprétation a été immédiatement critiquée par de nombreux observateurs et avocats, notamment dans une chronique auto qui décrivait les nombreux couacs provoqués par l'obligation de dénoncer les salariés. "La simple lecture de l'article L.121-6 du Code de la route le montre bien : c'est le représentant légal qui est concerné par cette obligation de désignation et non l'entreprise. Difficile, juridiquement parlant, de sanctionner quelqu'un ou, dans le cas présent, une personne morale pour la violation d'une obligation qui ne lui incombe pas."
Des verbalisations retoquées par la Cour d’appel d’Angers
Fin septembre 2018, la Cour d’appel d’Angers a été la première juridiction d’appel à suivre cette argumentation en relaxant la Sarl défendue par un confrère parisien, Sébastien Dufour. Voici ce que contient cet arrêt correctionnel n° 5/I2, du 20 septembre 2018, (n° PG 1 18/00496) :
"Dès lors que l'article L.121-6 du Code de la route, qui a créé l’obligation de fournir des renseignements sur le conducteur, énonce que c'est sur le représentant légal de la personne morale que pèse cette obligation et non, comme cela aurait pu être envisagé et formulé, sur la personne morale par la voie ou prise en la personne de son représentant légal, l’absence de respect de cette obligation est une infraction qui ne peut être imputée qu'au représentant légal et non à la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation ou détentrice du véhicule. Il peut être observé que cela n'exclut pas qu'une autre personne morale soit poursuivie, dès lors qu'elle serait la représentante légale de celle qui est propriétaire ou détient le véhicule, l'article ne prévoyant pas de transmission en chaîne de cette obligation jusqu'à une personne physique, ce qui implique qu'il est possible que soit prononcée, en répression de cette contravention de non transmission d'informations, une amende quintuplée."

La Cour de cassation saisie de la question
Comme les deux autres arrêts rendus le même jour par la juridiction angevine, l’arrêt partiellement reproduit a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. La Chambre criminelle de la Cour de cassation devrait donc se pencher sur la question prochainement et apporter une interprétation qui viendrait mettre fin aux dissensions nombreuses au sein des juridictions françaises.
En attendant cette position de la chambre criminelle qui pourrait intervenir avant même l’examen des pourvois à l’encontre des arrêts angevins, la plus grande confusion demeure sur la question de ces avis de contravention. Malgré les trois arrêts extrêmement clairs rendus par la Cour d’appel d’Angers (certes frappés d’un pourvoi), le tribunal de police de la ville a par exemple choisi de maintenir sa position et de valider la pratique de verbalisation de l’entreprise.
Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son blog et sur LCI.
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