LE POINT JURIDIQUE - L’arrivée dans nos rues de nouveaux engins électriques comme les trottinettes ou les gyropodes a conduit le législateur à revoir sa copie sur la question du débridage. Vélos et "EDPM" sont désormais concernés et l'amende peut être salée. C’est ce que nous explique Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit des mobilités.
Les usagers de trottinettes, Monowheel, Hoverboard et autres gyropodes ont attendu de nombreux mois avant la mise en place d’une réglementation spécifique pour toute cette catégorie d’engins que l’on appelle désormais officiellement EDPM, pour "engins de déplacement personnel motorisés". Au départ annoncé comme faisant partie de la loi LOM, la loi d’orientation des mobilités, le cadre juridique de ces EDPM a finalement été fixé par un décret n°2019–1082 du 23 octobre 2019.
Pour rappel, ces petits engins électriques n’avaient auparavant pas leur place dans le Code de la route. Cette absence avait pour conséquence directe que nos trottinettes électriques ne pouvaient circuler ni sur le trottoir ni sur la bande cyclable ni sur la chaussée… Pour les faire entrer dans le Code de la route, le pouvoir réglementaire a donc dû modifier l’article R311–1 du Code de la route, qui définit les différentes catégories de véhicules.
Le Code de la route bousculé
Un nouveau paragraphe 6.15 a donc été ajouté. L’engin de déplacement personnel motorisé est "un véhicule sans place assise conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne, est dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, est équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km heures et ne dépasse pas 25 km/h".
Le pouvoir réglementaire, conscient de la porosité entre les différentes catégories de véhicules, est venu placer une frontière entre les différents engins : la selle. Exception faite des gyropodes, un EDPM ne doit pas en être pourvu. On perçoit assez vite la proximité que l’on peut avoir entre un EDPM et, par exemple, un vélo à assistance électrique (VAE).
La tentation du débridage
Concernant les EDPM, circulent encore aujourd’hui de nombreux engins non réglementaires, c’est-à-dire qu’ils peuvent allègrement dépasser les 25 km/h. L’usager qui achèterait aujourd’hui une trottinette électrique aura cependant de grandes chances de faire l’acquisition d’un modèle réglementaire. Certains distributeurs fournissent d’ailleurs d’ores et déjà avec leur produit une attestation de conformité par rapport aux exigences du décret du 23 octobre 2019.
Pour tous les autres engins acquis avant l’arrivée du décret, se pose évidemment la question de leur mise en conformité. Si le vocabulaire utilisé d’une vitesse maximale par construction ne semblait pas, au départ, permettre un bridage postérieur à la vente, la Délégation à la sécurité routière (DSR) a déjà expliqué aux usagers, et notamment à l’ANUMME (Association Nationale des Utilisateurs de Micro-Mobilité Électrique), qu’une mise en conformité était possible.
Débridé ce qui a été bridé
Il n’y a qu’à voir circuler à grande vitesse certaines trottinettes pour comprendre qu’une simple modification technique sur un engin bridé pourrait lui permettre de bien meilleures performances. Et ce qui est vrai pour une trottinette ou un gyropode l’est bien évidemment pour les engins électriques en général. Le vélo assistance électrique peut, également, lui aussi faire l’objet d’un débridage. L’assistance électrique d’une telle bicyclette se coupe normalement lorsque les 25 km/h sont atteints…
Il était donc nécessaire pour la cohérence du cadre juridique de revoir les dispositions applicables en matière de débridage. Certaines de ces dispositions étant prévues dans la partie législative du Code de la route, et plus précisément à l’article L317-1, la question ne pouvait pas totalement être réglée… par voie réglementaire mais nécessitait l’intervention du législateur.
Le débridage rattrapé par la loi LOM
Les dispositions de l’article L317-1 du Code de la route ont ainsi été revues par la loi n° 2019–14 28 du 24 décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités.
L’article L317-1 précise donc désormais que : "Le fait, pour le responsable de l'exploitation d'un véhicule de transport routier, d'un engin de déplacement personnel à moteur ou d'un cycle à pédalage assisté soumis à une obligation de limitation de vitesse par construction, de ne pas respecter cette obligation, de modifier, ou, en tant que commettant, de faire ou de laisser modifier le dispositif de limitation de vitesse par construction afin de permettre au véhicule, à l'engin ou au cycle de dépasser sa vitesse maximale autorisée, est puni d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Le préposé est passible des mêmes peines lorsque l'infraction résulte de son fait personnel. Toute personne coupable de ce délit encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle. Le véhicule, l'engin ou le cycle sur lequel l'infraction a été commise est immobilisé et retiré de la circulation jusqu'à ce qu'il ait été mis en conformité ou réparé. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent alinéa".
Amende et mise en fourrière
En réalité, ces usagers seront plus concernés par les dispositions de l’article R317-23-1 du Code de la route : "Le fait d'utiliser un cyclomoteur ou un engin de déplacement personnel motorisé muni d'un dispositif ayant pour effet de permettre à celui-ci de dépasser les limites réglementaires fixées à l'article R. 311-1 en matière de vitesse, de cylindrée ou de puissance maximale du moteur ou ayant fait l'objet d'une transformation à cette fin est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. L'immobilisation et la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. La confiscation du véhicule peut être prononcée à titre de peine complémentaire".
En résumé, il sera donc possible d’oublier les 12 mois de prison et les 30.000 euros d’amende. Mais attention néanmoins à la contravention de quatrième classe qui peut monter jusqu’à 750 euros et à la mise en fourrière de l’engin…
Maître le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile Club des Avocats intervient sur son site et sur LCI.