LA CHRONIQUE AUTO - Vous comptez contester un PV devant le tribunal ? Attention, les pièges sont nombreux

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)
Publié le 17 janvier 2020 à 18h18
Un avis de contravention pour excès de vitesse / photo d'illustration

Un avis de contravention pour excès de vitesse / photo d'illustration

Source : iStock

CONTRAVENTION - Vous n'êtes pas d’accord avec un PV ? Cela pourra se régler au tribunal, même pour une simple contravention. Et là, les pièges sont nombreux même lorsque l’on pense être dans son bon droit. Car, formellement, l'avis de contravention reçu n'est pas le procès-verbal qui comporte d'avantage d'indications. Les conseils de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.

En matière de droit routier, les règles de contestation sont très strictes. Un courrier qui part un jour au-delà du délai ou non accompagné de l’orignal de l’avis de contravention n’aura, par exemple, aucune chance d’aboutir. Mais ce n’est pas parce qu’il a la chance de pousser les portes du tribunal que le conducteur aura systématiquement gain de cause. Loin de là. 

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L’avis de contravention n’est pas le PV !

Le premier piège, le conducteur l’a en main dès qu’il ouvre le courrier en provenance de l’Agence de traitement automatisé des infractions (Antai) : il 'agit de l’avis de contravention lui-même. Le conducteur verbalisé pourra être tenté de rechercher sur Internet des moyens de contester la verbalisation. Et il est vrai que la consultation de sites web d’avocats, de forums, et pourquoi pas, la lecture de la chronique auto sur LCI pourra fournir des arguments intéressants. 

Mais souvent, les conducteurs noteront sur l’avis de contravention l’absence de certaines mentions. Or l’analyse des décisions de justice confirme l’importance de telle ou telle indication sur un PV. Car on ne le rappellera jamais assez : ce que les conducteurs ont entre les mains n’est pas un PV, ce n’est qu’un avis de contravention. Et l’on peut parfaitement imaginer que le procès-verbal comporte de nombreuses indications absentes de l’avis de contravention. 

Ne pas aller à l’aveugle au tribunal

Le conducteur qui veut obtenir gain de cause devant le juge aura généralement pris le temps de préparer un dossier constitué de différentes pièces ou documents. Mais le tribunal a également un dossier. Dossier dans lequel le conducteur, mais surtout le juge, retrouvera les différents procès-verbaux (le procès-verbal de constatation, le procès-verbal d’audition du conducteur) et  des documents plus techniques comme le carnet de métrologie d’un radar par exemple. Celui qui ne veut pas avoir de très mauvaises surprises à la barre devra donc avoir consulté ce dossier préalablement. Soit le conducteur en fera la demande en amont, soit il demandera à consulter le dossier le jour J. 

Sécurité routière : quand les drones servent à mettre des PVSource : JT 20h WE

Attention, contestation ne vaut pas conclusion

Si le conducteur est convoqué au tribunal, il devra y aller seul ou mandater un avocat pour se défendre. Tous les arguments (et même les plus pertinents) qu’un conducteur peut développer dans son courrier de contestation ne seront en effet pas pris en compte par le juge s’il ne va pas lui-même les soutenir et les détailler oralement. 

S’il ne peut pas se déplacer, le conducteur qui veut voir sa contestation aboutir devra donc s’attacher les services d’un avocat. La jurisprudence considère que les écrits émanant d’un particulier n’ont pas la même valeur que des conclusions rédigées et déposées par un avocat. Et si un juge doit répondre aux arguments soulevés par un avocat dans ses conclusions, tel n’est pas le cas lorsque ces arguments sont développés par un conducteur dans un courrier, et notamment dans son  courrier de contestation. 

C’est ce que vient encore de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt de décembre 2019 : "La contestation adressée à l'officier du ministère public ne vaut pas conclusions régulièrement déposées au sens de l'article 459 du code de procédure pénale" (Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 décembre 2019, n°18-87055).

Une simple attestation d'un témoin ne suffit pas

Le code de procédure pénale est également très exigeant lorsqu’il s’agit de combattre ce que les textes appellent la "force probante du procès-verbal". Les dispositions de l’article 537 du Code de procédure pénale explique ainsi que "les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui". 

Ce texte précise que "la  preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins". La Cour de cassation avait quelque peu assoupli sa jurisprudence sur le témoignage. La règle, en droit pénal, étant celle de l’interprétation stricte, les tribunaux ne s’écartent que très peu du texte. Cette haute juridiction avait admis qu’un juge puisse entendre un témoin, un seul et unique, alors que le texte de l’article 537 fait référence  à des "témoins"avec un "s". Mais elle ne va pas plus loin et elle vient de le rappeler en fin d’année 2019. 

La chambre criminelle a, notamment, eu l’occasion de rappeler qu’une simple attestation ne peut être assimilée à un témoignage. Dans cette affaire, le juge du tribunal de police avait fait droit aux arguments d’un automobiliste poursuivi pour inobservation de l'arrêt imposé par un feu rouge. Cet automobiliste s’appuyait pour sa défense sur l’attestation d’un conducteur "qui le suivait, ce dernier allant même jusqu'à indiquer être quant à lui passé au feu orange". Pour le juge du tribunal de police, "ces déclarations apportent, sinon une preuve irréfutable, tout au moins un doute quant aux conditions d'interpellation du prévenu, doute suffisant pour bénéficier" au conducteur verbalisé.

 Mais ce jugement a été censuré par la Cour de cassation qui rappelle qu’une "attestation écrite ne constitue pas une preuve par écrit ou par témoins, au sens de l'article 537 du code de procédure pénale" (Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2019, n°19-84192). Pour ce dernier, une preuve par écrit  est beaucoup plus formelle, comme par exemple le compte-rendu d'un disque "tachy" installé dans les cabines des chauffeurs-routiers. Pour que les dires du témoin puissent être pris en compte, il aurait fallu que ce témoin vienne rapporter ces faits lui-même devant le juge.

Attention à la procédure orale !

Après l'audience, attention encore : celui qui vient de se faire condamner malgré des arguments pourtant pertinents ne devra pas attendre de recevoir une copie du jugement pour décider de faire appel ou pas. Le délai d’appel de 10 jours commence à courir sans qu’il soit besoin pour le juge de rédiger sa décision. Ce jugement, le conducteur en aura une copie s’il la demande. Mais ce document lui parviendra souvent des mois après l’audience et donc bien au-delà des délais de recours. 

Autre mise en garde : la mesure de retrait de point n’est pas considérée comme une peine en droit français. Le juge qui examine une affaire dans le cadre de poursuites pénales n’a pas à mentionner la perte de points ! Ce n’est donc pas parce que le juge n’en a pas parlé, qu’un retrait de points n’interviendra pas… Et la décision de retrait de points consécutive à la condamnation pourra intervenir plusieurs mois après l’audience selon le degré d’encombrement du tribunal.

Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.


Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)

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