#Perriscope n°19 - Quelle place pour la voiture après le confinement ?

Pascal Perri, économiste
Publié le 5 mai 2020 à 11h52, mis à jour le 5 mai 2020 à 14h39
#Perriscope n°19 - Quelle place pour la voiture après le confinement ?
Source : LCI

MOBILITÉ - Face à la méfiance des usagers des transports en commun, elle pourrait être davantage utilisée après le confinement. Mais dans le même temps les villes, à l'image de Paris, veulent continuer à limiter sa place. "L’automobile aborde elle aussi un carrefour décisif", analyse l'économiste Pascal Perri.

La voiture, l’objet iconique du XXe siècle, est déjà un enjeu de l’après confinement. Plusieurs hypothèses sont sur la table : la voiture, dernier espace de sécurité, sera t-elle le dernier recours, l’alternative aux transports collectifs sur lesquels pèse l’hypothèque virale ? Ou à l’inverse, l’objet maudit, interdit de centre ville, comme l’a rappelé ce mardi matin Anne Hidalgo, maire de Paris, sur LCI face à Elisabeth Martichoux ? 

Mme Hidalgo évoque l’usage du vélo en ville. Elle dit en substance : "pas question de laisser la voiture envahir Paris". La capitale développe une offre de vélos électriques (très économique). Mme Hidalgo évoque les morts de la pollution, sans toutefois apporter d’élément de documentation sourcé. Quelque soit l’idée qu’on se fait de la mobilité, l’âge de la voiture n’est pas achevé mais celui du moteur à explosion touche à sa fin. Il faut accepter cette transition et s’y préparer dans tous les domaines. 

L’hybridation puis l’électrification des moteurs changera le modèle économique de la filière automobile. Moins de personnel dans les usines, moins de frais d’entretien et de maintenance, moins de concessions et de garages automobiles. La valeur se déplace. Il est évidemment hors de question de maintenir le modèle du moteur à explosion simplement pour assurer le même niveau d’emploi dans l’automobile, mais il faut penser dès maintenant aux reconversions que cette transition imposera. 

Il faut aussi se montrer pragmatique. Les projets de moteurs très économes en hydrocarbures existent. Le dossier V2L, pour version 2 litres est disponible chez Renault. L’industrie automobile foisonne de projets intelligents. On oublie souvent qu’elle a accompli des progrès considérables. Peut-être les plus spectaculaires des grandes industries. En France, la consommation par véhicule a été divisée par 2 en moins d’une génération et les diesels ont réduit leurs émissions de particules fines à plus de 90% ! Quelques soient les progrès, comme le reconnaissait Carlos Tavares, "le diesel a gagné la bataille technologique mais perdu la bataille politique". On ne lutte pas contre le courant de la marée… D’autant que la crise redistribue les cartes en matière de mobilité inter et intra-urbaine. 

Nous aurons toujours besoin d’une voiture dans l’avenir mais… à quelles occasions ? Pour combien de temps ? Faudra t-il en être propriétaire ? Quel sera son mode de propulsion ?
Pascal Perri

Des tendances apparemment contradictoires se dégagent. Il faut cependant distinguer leurs effets dans le temps :

- Dans une première étape, les moyens de transport collectif sont réputés peu sûrs, voire dangereux. Les "commuters", c’est-à-dire les néo ruraux et banlieusards, vont massivement utiliser leurs véhicules personnels pour se déplacer du domicile au travail ou pour toutes autres raisons. On peut imaginer des embouteillages monstres, à ceci près que le travail reprendra progressivement. La voiture personnelle, outil de liberté, devient un outil de sécurité. 

- Dans un deuxième temps, le monde du travail s’adapte. Le télétravail est généralisé. Les besoins de mobilité changent, les flux de transport se réduisent. L’étalement urbain (la croissance horizontale de la ville) peut se faire sans croissance des déplacements. Les mètres carrés de bureaux métropolitains sont trop abondants. On peut en faire des logements. Ceux qui sont restés vivre en périphérie ont moins besoin de voiture car ils peuvent travailler de chez eux ou d’un centre d’affaires local, ceux qui sont au centre n’en ont plus besoin du tout. 

Ces mouvements sont à apprécier sur le temps long. Ils auront une influence directe sur le secteur de l’automobile. Seulement 35% des Parisiens ont une voiture. La politique de rationnement des voies de circulation et des stationnements pèse sur le parc auto parisien, autant que le développement des modes de transport alternatifs. 

Sortons maintenant du trajet domicile-travail pour nous intéresser au modèle de vie résidentiel. Les commerces de proximité se multiplient. La Grande distribution a réussi l’exploit de vendre au même prix une gamme de produits standards quelque soit la surface de ses points de vente. Dans les magasins de proximité, au coin de la rue, les prix catalogues sont les mêmes que dans un hypermarché où la mètre carré coûte moins cher. Du coup, nous allons moins dans les très grandes surfaces ! Les commerces "de bouche", les commerces bios résistent et se multiplient. Il est loin le temps où les distributeurs pouvaient proclamer "no parking no business". On (re)fait ses courses à pied. La livraison à domicile se généralise. Nous aurons toujours besoin d’une voiture dans l’avenir mais… à quelles occasions ? Pour combien de temps ? Faudra t-il en être propriétaire ? Quel sera son mode de propulsion ?  L’automobile -c ‘est bien le cas de le dire - aborde elle aussi un carrefour décisif. 


Pascal Perri, économiste

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