Alors que la SNCF enregistre un niveau record de réservations TGV, le réseau secondaire du TER souffre d'un manque cruel de moyens.Certaines lignes pourraient même disparaître dans certaines régions.Par endroit, la compagnie a même dû réduire la vitesse de circulation pour des raisons de sécurité.
L'avenir des trains régionaux dépend d'un document de plusieurs dizaines de pages. Signé en avril dernier, après deux ans de retard, il est pourtant passé presque inaperçu. Ce contrat entre l’État et la SNCF, sous-titré "développer l'usage du train", prévoit 2,8 milliards d'euros chaque année pour l'entretien du réseau, jusqu'en 2030. Un budget uniquement alloué à la régénération du réseau mais pas à sa modernisation. Mais ce montant reste encore insuffisant d'après les spécialistes du rail, alors même que la SNCF enregistre un nombre de réservations records de TGV cet été.
"C'est plus que les années précédentes, mais ce n'est pas encore assez pour vraiment rénover le réseau ferré et surtout stopper le vieillissement du réseau. Il faudrait, selon les spécialistes, au moins un milliard de plus chaque année", indique Marie-Hélène Poingt, rédactrice en chef de La vie du rail, dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.
D'autant que l'inflation pèse lourd sur les chantiers, qu'il s'agisse des commandes en acier ou en bois que les approvisionnements en énergie, les prix s'envolent. Alors, par manque de moyens, la SNCF risque même de limiter les travaux sur certaines lignes. "Les pouvoirs publics mettent SNCF Réseau dans l'obligation d'arbitrer au profit des lignes qui circulent le plus au détriment des lignes qui le font le moins", affirme Éric Boisseau, expert ferroviaire et président de l'association "Objectif train de nuit", qui milite pour la multiplication de ces lignes en Europe.
Bientôt la fin de nombreuses lignes intrarégionales ?
Pour éviter les accidents, la vitesse est diminuée sur les liaisons les moins utilisées. Cet expert a compilé les horaires de train des dernières décennies et les changements sont déjà visibles. Alors que la durée d'un trajet Briançon - Marseille s'élevait à 3h15 en 1974, il faut compter aujourd'hui 4h30. Pour rejoindre Nîmes depuis Clermont-Ferrand, le voyage durait 4h20 auparavant, contre 50 minutes de plus aujourd'hui. "Ce qu'il se passe aujourd'hui est très problématique, le phénomène s'accélère", déplore-t-il.
La vitesse ne peut être baissée indéfiniment et certaines lignes régionales devraient alors fermer. Sur les cartes ci-dessous, vous pouvez comparer l'état actuel du réseau (la première) et ce à quoi il pourrait ressembler dans dix ans (la seconde) : de multiples tronçons disparaîtraient, surtout intrarégionaux, en particulier en Provence-Alpes-Côtes d'Azur, en Auvergne ou encore en Normandie, des régions qui seraient quasi vidées de toute ligne. Ne resteraient que de rares artères nationales, desservant essentiellement Paris et le Nord-Est de la France. Sur la côte Ouest, de grandes villes comme Pau, La Rochelle ou Brest seraient alors isolées.
"Aujourd'hui, on paie des années voire des décennies de sous-investissement sur le réseau classique. Avec 2,8 milliards d'euros par an, la diminution du réseau français est tout à fait possible s'il n'y a pas une réaction des pouvoirs publics en faveur d'un réinvestissement ferroviaire", explique Gilles Dansart, rédacteur en chef de la newsletter sur la mobilité "Mobilettre".
En mars dernier, un rapport sénatorial estimait que le modèle économique de la SNCF était "dans l'impasse", pointant notamment une réforme en 2018, qui misait sur l'autofinancement du système ferroviaire grâce aux bénéfices engrangés. Un mois plus tôt, le président de l'Autorité de régulation des transports (ART), Bernard Roman, critiquait déjà "une occasion manquée" et "un contrat de performance qui est finalement le contraire d'une performance".
L'un des plus vieux réseaux ferroviaires d'Europe
Le PDG de SNCF Réseau, Luc Lallemand, avait lui-même reconnu qu'"un coup d'accélérateur serait pertinent". Plus récemment, le patron du groupe, Jean-Pierre Farandou, a aussi jugé ces chiffres insuffisants. "L’Allemagne vient de décider un plan de 8,6 milliards par an pendant dix ans. Et l’Italie, 179 milliards sur dix ans. Pour la France, on peut estimer l’investissement nécessaire à 100 milliards sur quinze à vingt ans, pour moderniser le réseau, créer des RER dans les métropoles et des nouvelles voies pour le fret et le TGV", a-t-il indiqué à Ouest-France il y a quelques jours. Dans l'état actuel, l'accord prévoit pourtant un budget de 25 milliards d'euros environ d'ici 2030.
Le réseau ferroviaire français est d'ailleurs aujourd'hui l'un des plus vieux d'Europe : l'âge moyen des voies est de 30 ans contre 24 ans en Italie ou encore 17 ans chez nos voisins allemands. L'ancien ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait admis au début de l'année qu'il conviendrait d'"engager la suite", évoquant des améliorations visant à doubler les passagers de train d'ici 2030. Mais la majorité d'Emmanuel Macron n'a jamais dévoilé de programme détaillé pour sa politique de transports pour le nouveau mandat.
Les finances de la SNCF retrouvent pourtant un peu d'oxygène ces derniers mois. En 2021, son chiffre d'affaires a progressé de 15% pour atteindre 37 milliards d'euros environ, après une perte de trois milliards d'euros en 2020 à cause de la pandémie et plus de 800 millions d'euros l'année précédente en raison de la grève contre la réforme des retraites notamment.
"La dette de la SNCF est aujourd’hui de 25 milliards, ce qui est un ratio satisfaisant par rapport à la marge", a défendu Jean-Pierre Farandou. Mais de "telles décisions d’investissements ne relèvent pas de la SNCF mais d’une politique ferroviaire, menée par les pouvoirs publics", a-t-il ajouté.
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