Superéthanol : au bout de combien temps convertir sa voiture devient-il rentable ?

Maëlane Loaëc | Reportage TF1 Jean-Pierre Feret, Didier Piereschi et Alexandre Gaudin
Publié le 27 janvier 2022 à 18h06, mis à jour le 28 janvier 2022 à 17h40

Source : JT 20h Semaine

Les conducteurs qui roulent au bioéthanol consomment deux fois moins que ceux qui utilisent du gazole.
Pour convertir son véhicule essence, il faut s'équiper d'un boîtier coûtant de 700 à 1200 euros.
Le coût peut être amorti en un à deux ans, selon les professionnels du secteur.

Son prix défie toute concurrence : alors que l’essence grimpait à près de 1,70 euro le litre la semaine du 14 au 21 janvier, un niveau record historique, le superéthanol 85 se maintenait autour de 75 centimes d’euros. Soit un prix à la pompe 60% moins élevé en moyenne, pour un carburant composé "à 85% d’éthanol, souvent à base de déchets alimentaires issus de l’agriculture, et à 15% d’essence", explique le garagiste Jacques Maccabi dans la vidéo du 20H de TF1 en tête d’article. 

Cette solution attire de plus en plus de Français, à l’heure d’une flambée inédite des prix du carburant : en 2021, ses ventes ont bondi de 33%, selon la Collective du bioéthanol qui rassemble des professionnels de la filière. Quant aux stations, 30% d'entre elles servent désormais l’éthanol à la pompe, soit 2700 points d’approvisionnement dans l'Hexagone, un chiffre en hausse de 18% sur un an. Mais pour en bénéficier, encore faut-il convertir son véhicule. 

En France, seule une poignée de modèles directement conditionnés pour ce biocarburant existent, construits par les marques Hormis Ford, Jaguar et Land Rover. Pour éviter cette gamme de prix haute, il est possible d’adapter un véhicule à essence (et non gazole) construit à partir de 2000 moyennant la pose d’un boîtier de conversion, homologué depuis 2017, par un professionnel agréé. Plus de 30.000 kits ont été installés en France sur l’année, soit deux fois plus qu’en 2020. Mais en combien de temps peut-on rentabiliser cet équipement ? 

Un boîtier rentabilisé en un à deux ans

Les prix des boîtiers s’échelonnent de 700 à 1200 euros toutes taxes comprises (dont les formalités d’homologation du véhicule), en fonction des catégories de kits, explique Jérôme Loubert, directeur commercial de la société Flex Fuel, spécialisée dans ces équipements et qui a vu ses ventes exploser de 77% en 2021. À partir de 700 euros sont proposés les kits à injection indirecte, pour les modèles plus anciens, et à partir de 1100 euros ceux à injection directe, pour des moteurs de dernière génération. "Les prix peuvent grimper dans de très rares cas au-dessus de 1300 euros", précise-t-il. 

L'entreprise propose ainsi des kits à 850 euros en moyenne, rentabilisés en 17.000 km environ, avance le directeur commercial. "Cette distance est parcourue en général en un an à 15 mois par les automobilistes", indique-t-il, d'autant que les boîtiers peuvent aussi bénéficier de facilités de paiement, avec un financement échelonné jusqu’à vingt fois. Trois régions offrent par ailleurs des aides à la conversion : le Sud, les Hauts de France et Grand Est.

Pour un automobiliste qui roule moins, l'investissement est rentabilisé légèrement plus tard. "Pour un appareil à 1000 euros, en considérant qu’un automobiliste roule en moyenne 13.000 km par an, il économise plus de 500 euros sur cette distance. Donc il rentabilise le kit en deux ans, selon l’écart de prix actuel", pointe Nicolas Kurtsoglou, responsable carburants du Syndicat National des Producteurs d'Alcool Agricole (SNPAA). Un simulateur en ligne permet de calculer au cas par cas la durée nécessaire pour amortir son achat.

Les citadines qui roulent beaucoup, les modèles les plus équipés

Quant aux modèles éligibles, quasiment tous les véhicules peuvent se convertir. "Aujourd’hui, 95% des modèles essence ou hybride-essence sont compatibles avec les boîtiers", appuie Jérôme Loubert. Le top 3 des voitures les plus équipées sont aujourd’hui la Clio de Renault, la Dacia Sandero et la 208 de Peugeot - ce qui correspond sensiblement aux voitures les plus vendues en France - soit des moteurs à injection indirecte qui peuvent être convertis à l’éthanol dès 700 euros, rapporte-t-il.

"Une cliente fait un plein par semaine avec une Renaud Captur, à hauteur donc de 70 euros environ, contre 30 pour l’éthanol", explique David Ninot, garagiste et installateur agréé de kit de conversion à Portes-lès-Valence, dans la Drôme. "Si vous êtes sûr de garder votre voiture un minimum de temps, ce n’est que bénéfique", appuie-t-il. 

Les véhicules les plus récents, comme les SUV, sont équipés quant à eux à 1100 euros minimum. "Qui dit plus gros dit plus de consommation, donc une rentabilisation plus rapide", commente Jérôme Loubert. "On n'est en revanche pas dans la cible si l'on fait 5000 à 6000 km par an, car on mettra plusieurs années à rentabiliser le boîtier", poursuit-il, relevant que ses clients roulent plutôt aux alentours de 20.000 km par an minimum.

Le kit est par ailleurs garanti cinq ans : "On n’a pas de durée de vie précise du boîtier, mais il est parti pour durer autant de temps que les autres composants électroniques de la voiture", indique le directeur commercial. Aucune maintenance particulière n’est nécessaire, hormis un réglage à effectuer 10 km après la pose pour s’assurer que tout est fonctionnel.

Utiliser un mélange à l'éthanol sans boîtier : la fausse bonne idée

À noter toutefois, un véhicule converti à l’éthanol va consommer bien davantage, à hauteur de 15 à 25% de plus par rapport à l’essence, car il a moins d'efficacité de combustion. En hiver, les démarrages à froid peuvent aussi être plus difficiles, en particulier pour les voitures les plus anciennes. "Mais cela est bien compensé par un avantage à la pompe", assure Jérôme Loubert. 

Le boîtier permet aussi de réguler cette surconsommation, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on mise sur un mélange de moitié d'éthanol et d'essence sans être équipé. De plus, le moteur n’étant pas adapté dans ce cas-là, il perd en performance. Si ce mélange est trop pauvre, cela peut donner lieu à une casse de moteur. La méthode est par ailleurs illégale et ne permet pas de refaire sa carte grise. En cas d’accident, le carburant utilisé peut aussi être mis en cause. "À cause d’un problème de pouvoir d’achat, les gens prennent des risques mais cela peut vite devenir la catastrophe", alerte Jérôme Loubert.

D'autant que "les chiffres montrent que ce mélange fait perdre plus de 800 euros de manque à gagner sur deux ans", souligne-t-il, soit l'équivalent d’un boîtier d’entrée de gamme. La combinaison de l’éthanol et de l’essence grimpe en effet à 1,25 euro au litre environ, ce qui est certes plus attractif que le prix de l’essence seul, mais reste bien au-dessus de l’éthanol.

Autre atout du bioéthanol : "Celui qui est consommé en France est produit à plus 90% dans le pays, ce qui permet de créer de l’emploi et de s’assurer une indépendance énergétique", ajoute par ailleurs Nicolas Kurtsoglou. Le E85 permet aussi de réduire les émissions de CO2 de 50% et celle de particules fines de 90% par rapport aux carburants classiques. 


Maëlane Loaëc | Reportage TF1 Jean-Pierre Feret, Didier Piereschi et Alexandre Gaudin

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