Face aux suppressions et à la dégradation du service de TER, la région des Hauts-de-France a pris une décision radicale.Elle a suspendu sa contribution à la SNCF, et s'entête dans un bras de fer avec la société ferroviaire.De leur côté, les usagers, désemparés, voient leur quotidien tourner au calvaire.
Une fois n'est pas coutume, dans une gare de l'Oise, plusieurs retards et annulations sont signalés sur le panneau d'affichage. Comme d'habitude, peste un travailleur excédé, qui voyage tous les jours avec des affaires de rechange dans son sac, dans le cas où il ne parviendrait pas à rentrer chez lui. "Je compte déménager", lâche-t-il dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.
"Je travaille sur Paris, et tous les jours, ce sont des retards, c'est devenu quasi quotidien. Chaque mois, je dois dépenser au moins 250 euros dans les hôtels", explique le voyageur. Sur le quai d'en face, un lycéen de 15 ans patiente. Tous les matins, l'adolescent se lève à cinq heures pour espérer prendre un train et rejoindre son établissement. "Il y a au moins une annulation par semaine, parfois c'est tous les jours", déplore-t-il.
Des usagers pris d'angoisses face aux retards à répétition
Chaque jour, dans les Hauts-de-France, 140.000 habitants empruntent un train. Mais sur les huit premiers mois de l'année, plus de 11.200 trains régionaux ont été annulés à la dernière minute, contre près de 7400 sur la même période en 2021 et 4800 en 2019, avant la pandémie, selon le journal Le Monde. Soit une augmentation de 134% en trois ans.
Cela se vérifie non loin de là, dans la gare de Saint-Quentin, dans l'Aisne, où huit trains sont annulés en une journée et où les retards s'accumulent. L'un des passagers, un ancien cheminot qui a officié 37 ans à la SNCF, affirme que les difficultés sur cette ligne remontent à des années : "C'est tous les jours qu'il y a des problèmes. Après, il faut justifier le retard, ce n'est pas évident. Certains patrons sont compréhensifs, d'autres non", confie-t-il.
Pour certains voyageurs, les annulations de dernière minute mettent même en péril leur avenir. Céline, une étudiante boursière de 20 ans, craint de perdre ses aides en cas d'absences répétées. Elle qui, quand le trafic est fluide, passe plus de trois heures par jour dans les transports. "Des crises d'angoisse arrivent, je stresse de ne pas pouvoir rentrer", explique la jeune femme. "Je ne suis pas très concentrée, je ne dors que quatre ou cinq heures, alors la fatigue vient s'ajouter."
La région refuse de payer la SNCF
La région, de son côté, accuse la SNCF de négligence. Elle qui cofinance les TER en versant chaque année 530 millions d'euros à la société ferroviaire, a décidé de s'en prendre au porte-monnaie de celle-ci. "Je ne reprendrai pas les paiements au nom de la région", tonnait en juin dernier son président, Xavier Bertrand (LR). Quatre mois plus tard, la bataille financière est loin d'être résolue, notamment parce que les bénéfices après impôts de l'entreprise de transports ont bondi dans la région, passant de 16 millions d'euros en 2020 à 19 millions en 2021, malgré une offre dégradée.
Pour le président du conseil régional, la faute revient "évidemment" à la société. "Le président de la SNCF l'a reconnu lui-même, en disant s'être planté plus qu'ailleurs dans les Hauts-de-France. Reconnaître c'est une chose, faire le nécessaire s'en est une autre", s'irrite Xavier Bertrand dans le reportage du 20H de TF1. Fin juin, Jean-Pierre Farandou avait en effet admis "qu’en ce moment, la qualité des services n’est pas bonne". "Donc je comprends sa colère", avait-il déclaré sur le plateau de Public Sénat, tout en appelant malgré tout à la reprise des paiements. "Ce que l'on veut, ce sont nos trains. Ce bras de fer, s'il faut continuer à le faire, je le ferai. Ce n'est pas une bonne méthode, mais que la SNCF vienne me mettre au tribunal", s'entête de son côté l'élu.
Équipements vétustes et manque de personnel
La société ferroviaire n'a pas donné suite aux demandes d'interview de TF1. Plusieurs raisons expliquent toutefois ce chaos sur les rails : la vétusté de certains équipements et un manque d'investissements, sans compter la saturation du réseau, partagé entre des TGV, des Transiliens, des Eurostar, des Thalys et enfin les fameux TER.
Un manque de personnel se fait aussi criant. Les syndicats de la SNCF y voient même une "casse sociale". "On a perdu entre 700 et 750 agents suite aux diverses restructurations, qui ont grimpé à une cinquantaine en trois ans et demi", pointe Xavier Wattebled, membre de la CGT cheminots des Hauts-de-France. Des pertes constatées "que ce soit la vente, à l'escale, ou au matériel, puisque si on n'a pas les bras pour faire les réparations ou la maintenance des rames, ça va circuler un peu moins bien", poursuit le syndicaliste. Rien que pour les conducteurs, il manque une soixantaine de postes, d'où des suppressions de trains en cascade.
En attendant, le bras de fer avec le conseil régional se poursuit. Il est si intense que la région a créé une application pour les téléphones portables : les usagers peuvent signaler à chaque fois qu'un train est annulé ou en retard, et d'heure en heure, les plaintes fusent sur l'interface. Mais la situation dans les Hauts-de-France va bientôt radicalement changer. La mise en concurrence des trains étant prévue d'ici à 2028, la SNCF ne sera plus seule sur les rails.
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