LE WE 20H

Jusqu'à 10.000 contrôles par jour : comment les "sulfateuses à PV" sont devenues une manne pour les communes

par La rédaction de TF1info | Reportage : Victor Topenot et Quentin Danjou
Publié le 11 novembre 2023 à 17h34

Source : JT 20h WE

Les voitures banalisées, surnommées "sulfateuses à PV", sont devenues la bête noire des automobilistes qui se garent en centre-ville.
Elles sont capables de photographier des milliers de plaques d'immatriculation par jour.
Ce système redoutablement efficace, représente aujourd'hui un vrai coup de pouce budgétaire pour les municipalités qui s'en équipent.

Sur quelques dizaines de mètres à peine, les "bip" s'enchaînent : à chaque fois que le son retentit, une plaque d'immatriculation est scannée. Dans les rues de Paris, une quarantaine de voitures banalisées circulent pour contrôler le stationnement, sans relâche. Une prouesse technique rendue possible grâce à huit caméras installées sur un boîtier blanc, sur le toit du véhicule. "De 9h à 10h42, j'ai effectué 615 contrôles", relève Yannick, conducteur de cette voiture de la société Moovia, dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.

Dans les années 1980, il aurait fallu à une "pervenche" beaucoup plus d'une journée pour atteindre 600 contrôles de véhicules. Les voitures banalisées peuvent quant à elles en réaliser jusqu'à 10.000 quotidiennement, grâce à un système automatisé. Lorsque vous vous garez sur un parking, vous indiquez votre plaque d'immatriculation au moment de payer, or les horodateurs sont reliés à la voiture : le véhicule lit donc votre plaque grâce à ses caméras et vérifie ainsi que vous avez bien réglé votre ticket de stationnement. 

Si ce n'est pas le cas, les images sont traitées dans un centre de contrôle de la capitale, par une quarantaine de personnes, où "chaque agent visualise entre 800 et 1000 images par jour", explique Nicolas Bertin, le président de la société Moovia. Leur rôle est notamment d'arbitrer les cas particuliers, par exemple lorsqu'une personne se trouve au volant sur une place payante, qui n'est donc pas sanctionnée. Cela n'empêche pas pour autant de dresser chaque jour à Paris plus de 12.000 amendes, appelées aujourd'hui "Forfait post stationnement" (FPS). Mais l'entreprise se défend de chercher à faire du chiffre. "On n'est pas payés au rendement de FPS, on est là pour réaliser une prestation et contrôler 90.000 véhicules par jour", appuie son président. 

Une hausse de 140% des recettes en quatre ans à Paris

Du côté des automobilistes, ces milliers de contrôles suscitent souvent la colère. Parmi eux Christian, qui en a fait les frais l'an passé à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. Le conducteur venait tout juste de garer sa voiture et était parti chercher un ticket, lorsqu'il s'est fait verbaliser, une minute avant de payer. Il aurait pourtant dû disposer de trois minutes pour régler le stationnement. Il a donc cherché à contester l'amende, mais son recours semble sans fin. "Cela fait un an et demi, et je n'ai toujours pas de nouvelles", peste-t-il, documents à la main. "Je pense qu'ils comptent là-dessus pour que les gens finissent par se lasser, et ne déposent plus de demande."

Certains professionnels ne sont pas non plus en reste, comme François Déo, un garagiste toulousain installé en plein cœur de la ville et qui croule sous les PV depuis un an. Chaque mois, il reçoit au moins six amendes, soit des centaines d'euros à débourser. Faute de place dans son petit atelier Chateaudun, le réparateur utilisait jusqu'alors des places dans la rue pour garer certaines voitures de ses clients, avec la clémence des policiers municipaux. Mais désormais, la voiture banalisée flashe les plaques d'immatriculation tous les jours, si bien que le garagiste a déjà déboursé 5000 euros d'amende. "Parfois, je ne me verse même pas de salaire. Soit je continue, soit j'arrête", constate-t-il, à bout, dans le reportage du 13H de TF1 ci-dessous. 

Les ratés des "sulfateuses à PV"Source : JT 13h Semaine

Mais pour les municipalités, ce système offre une véritable manne financière. À Paris, grâce à ce système, les recettes de la ville se sont envolées : elles grimpaient à 62,5 millions d'euros en 2018, puis ont basculé à 150 millions en 2022, soit une progression de plus 140% en quatre ans. La capitale n'est pas la seule à engranger beaucoup de ressources. À Montpellier, 5,54 millions d'euros ont été ainsi récoltés l'an passé. Au total, une trentaine de villes ont adopté des "sulfateuses à PV" en France, majoritairement dans le nord, le nord-est et sur le pourtour méditerranéen.

À Thonon-les-Bains, une ville de 38.000 habitants, la voiture banalisée a permis de rapporter un million d'euros en 2022, soit deux fois plus qu'espéré par la municipalité. Pour autant, le maire estime que ces revenus sont aléatoires et peuvent évoluer d'une année sur l'autre. "Les perspectives 2023 montrent que cette recette est en train de s'effondrer de 30%. Ce qui signifie que les usagers se conforment à l'obligation", se félicite Christophe Arminjon, édile sans étiquette. 

L'opposition, elle, critique ce dispositif et déplore surtout un manque d'alternatives à la voiture. "À Thonon, on a des bus qui ne fonctionnent pas bien aujourd'hui et des pistes cyclables balbutiantes", affirme Sophie Parra d'Andert. "On aurait aimé voir se mettre en place un système d'accompagnement, plutôt qu'une guerre du parking", soupire l'élue divers gauche. De son côté, la mairie met en avant un paiement plus assidu du stationnement. Avant la mise en place de ce système, seul un tiers des automobilistes de la ville s'en acquittait. 


La rédaction de TF1info | Reportage : Victor Topenot et Quentin Danjou

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