La question de la présence des femmes au sein des Conseils d'administration d’entreprises est toujours d'actualité.Si les quotas changent la donne, les femmes rencontrent toujours des difficultés à s’imposer dans les comités de direction.
36 %. C’est la part des femmes parmi les managers en poste dans le monde en 2020, d’après le Forum économique mondial. C'est un peu mieux qu'en 2019, mais à ce rythme, il faudra 257 ans à l'humanité pour atteindre la parité managériale. Plusieurs études montrent par ailleurs que la crise du Covid19 accroît les inégalités homme-femme dans le monde du travail. L’OCDE montre que les femmes restent surreprésentées dans les emplois précaires et les secteurs les plus touchés par les mesures sanitaires.
Michel Ferrary, professeur de management des ressources humaines à l'Université de Genève, appelle ce phénomène la "bipolarisation sexuelle des entreprises". Raquel Silvera, économiste spécialiste des égalités professionnelles à l'université de Nanterre, abonde : "Soin aux autres, aide à la personne, éducation, commerce, nettoyage, etc. Certaines professions restent dévolues aux femmes, qui concentrent parfois jusqu’à 90 % des emplois. On ne sort pas encore de l’étiquette. Les femmes prolongent, par leur travail, ce qu’elles font dans la sphère privée et leurs compétences ne sont pas toujours reconnues. Beaucoup considèrent ce qu’elles font comme allant de soi : les règles sanitaires manquent de rigueur, les salaires ne suivent pas." Souvent au contact des "covidés", des personnes âgées ou à faire la classe à leurs enfants privés d’école, les femmes demeurent fragilisées par la pandémie. Non seulement elles se cantonnent à des métiers de l’ombre, mais elles restent minoritaires à la direction des entreprises. L’État en prend progressivement conscience et la loi Copé-Zimmermann y a répondu en 2011 en instaurant des quotas.
Les quotas, vecteurs de prise de conscience
En janvier 2011, l’Assemblée nationale adoptait la loi Copé-Zimmermann. Elle impose des quotas de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises. "Elle a permis de franchir une étape décisive dans le combat pour l’égalité femmes-hommes et a fait sauter des verrous culturels et idéologiques. Grâce à cette loi, la France est sur la première place européenne en matière de féminisation des conseils d’administration de ses grandes entreprises", se réjouit le ministère de l’Économie sur son site. La loi a très bien fonctionné : dans les instances de surveillance des entreprises du SBF 120 (indice des plus grosses capitalisations en bourse de sociétés françaises), par exemple, on compte désormais 45,8 % d’administratrices. Plus de vingt de ces sociétés en dénombrent même au moins 50 %.
Syndicalistes, chercheuses ou encore militantes applaudissent unanimement la mise en place de ces quotas. Rebecca Amsellem, activiste et fondatrice de la lettre d’information "Les Glorieuses", milite pour la discrimination positive : "Si la société ne fait pas les choses correctement, la loi doit lui donner un coup de pouce. En obligeant les recruteurs à aller chercher des femmes compétentes, on se dirige concrètement vers l’égalité. On reste néanmoins ancré dans une structure patriarcale et hiérarchisée par les hommes dont les femmes ne tirent pas de bénéfice. Elles doivent encore s’adapter. Lorsque les femmes ne sont pas autour de la table, c’est qu’elles sont au menu." Chiara Corazza, présidente du Women's Forum, renchérit : "Pendant cette décennie, nous avons pu le constater : quand les femmes sont complètement associées à la gouvernance et contribuent en première personne à la définition de la stratégie de l’entreprise, elles apportent une autre perspective, elles déploient une approche différente, à laquelle probablement les hommes seuls n’auraient pas pensé."
Les femmes trop peu associées à la gouvernance des entreprises
Quantitativement, la loi a atteint son objectif. Mais dans les faits, les femmes restent en marge des prises de décisions. Raquel Silvera estime que les femmes n’influencent toujours pas les politiques des entreprises : "Les conseils d’administration restent de l’habillage, des lieux formels qui enregistrent des décisions prises par les comités exécutifs ou de direction. Or, la loi des quotas ne s’applique pas dans ces instances, même si le gouvernement l’envisage." Les chiffres s’en ressentent : seulement 22 % de femmes constituent les comités de direction du SBF 120.
Si le gouvernement franchit le cap, il faudra que les chasseurs de tête aient de quoi recruter ces nouvelles dirigeantes. Or, des déséquilibres se maintiennent parfois dans l’éducation supérieure : les écoles d'ingénieurs dépassent péniblement le tiers de femmes dans leurs rangs avec de grandes disparités selon les filières. Si en 2016, les filles représentaient 55 % de l’ensemble des étudiants, elles n’étaient que 40 % dans les filières scientifiques et techniques. Pire, elles ne rassemblaient que 10 % des étudiants diplômés en informatique en 2020. Chiara Corazza propose de corriger ce manque par une autre forme de quotas : "C’est à la lumière de ces résultats que j’ai proposé, que d’ici 2030, en plus d’un quota quantitatif qui demeure nécessaire, un quota qualitatif de 30 % de femmes issues des carrières ‘STEM’ (mathématiques, technologie et sciences exactes) soit également instauré dans les comités exécutifs et les comités de direction." L’activiste estime que les quotas ne fournissent pas une solution clé en main à toutes les situations : "Ils ne sont pas une solution dans l’éducation et dans l’enseignement supérieur, où des mesures incitatives et des objectifs chiffrés peuvent assurer des meilleurs résultats." Agir en amont, dès le collège ou l’école primaire par exemple, pour déconstruire les stéréotypes et donner envie aux filles de s’intéresser à des métiers a priori de garçon.
Le problème de l’inégalité professionnelle entre femmes et hommes vient peut-être d’ailleurs. Le 11 février 2021, le maire de Boulogne-Billancourt a coupé le micro de l'élue Pauline Rapilly-Ferniot en plein Conseil municipal. Cette affaire traduit un manque de considération toujours très fort de beaucoup d’hommes, installés dans leurs positions, qui refusent de laisser les femmes accéder à des postes, qui pourtant leur reviennent.
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Devant l’urgence climatique, la crise démocratique, une société aux inégalités croissantes, certains ont décidé de ne pas rester les bras croisés, ils ont un coup d’avance, l’audace de croire qu’ils peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Ils sont ce que l’on appelle des Changemakers.
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