Egalité entre les sexes dans les grandes entreprises : pourquoi la France fait (malgré tout) mieux que ses voisins

Publié le 4 mars 2020 à 14h01
Egalité entre les sexes dans les grandes entreprises : pourquoi la France fait (malgré tout) mieux que ses voisins

Source : iStock

ÉTUDE - Les entreprises françaises de l'indice vedette CAC 40 font mieux en matière de lutte contre les inégalités femmes-hommes que leurs homologues européennes, mais il y reste aussi beaucoup à faire. Comment expliquer ce décalage ?

C’est une étude qui tombe à point, alors que depuis le 1er mars dernier, les entreprises françaises doivent calculer et indiquer leur index d’égalité professionnelle femmes-hommes : le cabinet Equileap, qui oeuvre pour l'égalité des sexes sur le lieu de travail, a évalué la politique menée en la matière par 255 grandes entreprises composant les principaux indices boursiers dans dix pays européens. 

Et, surprise, la France est championne au classement général : avec 52 points sur 100, elle devance la Suède (49), l'Espagne (46), l'Allemagne (44) et l'Italie (42). 

Lire aussi

Pourquoi un tel résultat, alors que dans le même temps en France, les premières données de l’index de l'égalité professionnelle montrent qu’il y a encore du chemin à faire ? Cela s’explique, d’abord, par les critères retenus. L’étude du cabinet Equileap scrute le nombre de femmes au conseil d'administration, parmi les directeurs et les cadres supérieurs, les écarts de salaires, les stratégies de recrutement, et  la politique de congés parentaux.

Et sur certains critères, la France performe. Ainsi, sur la féminisation des conseils d’administration, elle affiche un score compris entre 90 et 100 : cette excellente note est due à l’existence de quotas, instaurés par la loi Copé-Zimmermann de 2011, qui impose 40% de femmes dans ces instances. Et ça marche : d'après le baromètre 2020 de l'Observatoire de la féminisation des entreprises de l'école de business Skema, au 1er janvier 2019, la quasi-totalité des entreprises du CAC 40 étaient au-delà du quota de 40% de femmes dans leur conseil d’administration (moyenne du CAC 40+20 : 42.53%).

Autre facteur avancé comme explication à la bonne place de la France, le fait que le pays a un taux d'activité des femmes plus élevé que dans les autres pays européens, ce qui rend, de fait, les entreprises plus féminisées. Les grandes sociétés françaises seraient aussi plus volontaristes sur le sujet. "En Europe, seule une entreprise sur dix a une stratégie pour réduire les écarts salariaux. En France, c'est quatre entreprises sur 10", indique Diana van Maasdijk, cofondatrice et directrice générale d'Equileap.

Un plafond de verre en béton renforcé

Mais pour certains indicateurs, la France est dans le rouge : l’écart des salaires hommes-femmes, justement, mais aussi celui avec un "salaire décent", ou encore la diversité des fournisseurs. "Il reste beaucoup à faire" en France, estime Diana van Maasdijk, qui se dit "déçue" que le pays ne fasse pas mieux.

L’étude de l’Observatoire Skmea dit la même chose : elle pointe l'"exclusion de l’Olympe de la gouvernance pour les femmes : dans les 60 plus grandes entreprises du CAC 40+20, aucune femme n’est PDG (contre 33 hommes), deux sont présidentes du conseil d’administration (25 hommes), et deux sont directrices générales (25 hommes). L’étude évoque même des "évadés sociaux du CAC40+20", qui "s’expatrient pour éviter le quota de 40% de femmes dans le conseil d’administration imposé par la loi Copé-Zimmermann" : sur les 7 entreprises qui sont les plus éloignées du quota de 40%, la plus part sont juridiquement domiciliées dans des pays étrangers non-soumis à des quotas ou à des quotas plus faibles (Airbus, 25%, Pays-Bas ;  TechnipFMC, 21,43%, Royaume-Uni ; SES, 25%, Luxembourg...).

L'égalité salariale s'arrête au bord du terrainSource : JT 20h WE

Et si la loi impose des quotas dans les conseils d’administration, le plafond de verre reste épais pour les femmes : elles ne représentent que 17,49% des membres des comités exécutifs des 60 entreprises alors qu’elles représentent 32,97% de la population des cadres, vivier traditionnel de recrutement des dirigeants. 7 entreprises n’ont même aucune femmes dans leur comité exécutif – 18 entreprises n’ont qu’une seule femme. 

En clair, les quotas semblent la seule méthode efficace pour lutter contre les inégalités. "La comparaison entre la féminisation des comités exécutifs et celle des conseils d’administration illustre l’importance des quotas imposés par la loi pour favoriser la promotion des femmes", note l'étude. "En effet, les conseils d’administration sont soumis à des quotas alors qu’aucune mesure législative ne concerne les comités exécutifs."

Plus de femmes = meilleures performances économiques ?

L'égalité est un enjeu qui devient financier. "Nos données sont de plus en plus utilisées par la finance pour être incluses dans des stratégies d'investissement", note  Diana van Maasdijk, cofondatrice et directrice générale d'Equileap. Le raisonnement est que "si une entreprise recherche les meilleurs employés à recruter dans seulement la moitié de la population (...) alors qu'une autre société les cherche dans 100% de la population", la deuxième "aura la meilleure équipe".

C’est aussi ce que dit l’étude de Skema, qui a scruté la féminisation de l’encadrement et la performance économique, et montre que la diversité contribue à la performance des entreprise : d'abord parce qu'en élargissant la taille du marché du travail, on élargit la probabilité de recruter des ressources humaines de meilleure qualité et plus compétentes. Mais aussi parce que la moitié des consommateurs étant des consommatrices, employer des femmes permet de "mieux comprendre les attentes des clientes", ou encore que "la diversité des systèmes de représentation liée à la diversité des expériences et des convictions améliore les processus de décision et la créativité dans les organisations", poursuit l’étude. Enfin, la promotion de femmes managers constitue un "facteur de motivation pour l’ensemble des femmes de l’entreprise qui aspirent à une évolution professionnelle". Tout bénéf' !


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info