ÉTUDE - En 2017, 11% des cadres pratiquaient le télétravail au moins un jour par semaine. Alors oui, ils bénéficient ainsi d’un cadre de travail plus souple, mais est-ce vraiment la panacée ? Dans une étude publiée ce lundi, la Dares et l'Insee se penchent sur l'impact de ce mode de fonctionnement sur les conditions de travail.
Le télétravail, solution miracle ? Depuis quelques années, ce mode de travail se répand autant que l'on vante les avantages dont il est auréolé : horaires de travail plus souples, trajets et fatigue associée réduits, moins d'exposition aux risques professionnels… Le télétravail serait devenu la nouvelle recette magique pour transformer les plus difficiles conditions de travail. Et pourtant, est-ce réellement la panacée ?
Dans une étude "Le télétravail permet‑il d’améliorer les conditions de travail des cadres ?", publiée ce lundi, la Dares (Direction des études et des statistiques) et l’Insee se penchent sur l'impact de ce mode de travail sur les conditions de travail des cadres, et plus généralement sur les relations sociales que cela peut engendrer au sein de l'entreprise. Si l'enquête vise les cadres, c'est que c'est la catégorie la plus exposée : ils représentaient 63% des télétravailleurs réguliers en 2017.
Travailler chez soi pour travailler plus ?
Un des premiers enseignements de l’étude est que... le télétravailleur a tendance à travailler plus. Pression ? Oubli des horaires ? Ceux qui pratiquent le télétravail deux jours ou plus par semaine, aussi appelés "télétravailleurs intensifs", travaillent en moyenne 43 heures par semaine, contre 42, 4 heures pour les non-télétravailleurs. Ils déclarent aussi deux fois plus souvent que les autres travailler plus de 50 heures par semaine. Leurs horaires sont également plus atypiques (travail après 20 heures ou le samedi) et moins prévisibles.
"Il n’est pas possible de savoir si le débordement des horaires le soir et le week‑end est une conséquence du télétravail ou, au contraire, si le télétravail a permis d’adapter les plages horaires travaillées", précisent dans l’étude Sébastien Hallépée et Amélie Mauroux. "Néanmoins, les cadres télétravailleurs intensifs ne semblent pas bénéficier d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée que les autres." Les proches se plaindraient autant d'un manque de disponibilité, et le télétravail engendrerait même des conflits travail‑famille, "car les membres de la famille peuvent interrompre le travail, en particulier en l’absence de pièce dédiée au télétravail, ou formuler des demandes de disponibilité qu’ils n’exprimeraient pas si la personne ne travaillait pas à la maison."
Autonomie ou isolement ?
L'autonomie, souvent associée au télétravail, serait là aussi un doux mirage. Alors oui, les télétravailleurs disent pouvoir s'interrompre momentanément quand ils le souhaitent, mais télétravailler n'est pas associé à une plus grande autonomie opérationnelle, par exemple pour organiser le travail, les délais ou résoudre des incidents. Pouvoir s’extraire des sollicitations, limiter les interruptions, mieux se concentrer, ne semble pas non plus facilité par ce mode de fonctionnement. "Ces cadres sont soumis à autant de contraintes de rythme et ne disent pas moins souvent devoir 'travailler intensément' ; ils ne sont pas moins nombreux à devoir travailler vite et à peine moins à devoir toujours ou souvent se dépêcher", décrit l’étude. Et même, au contraire : les télétravailleurs déclarent 1,6 fois plus souvent que les autres devoir fréquemment interrompre une tâche pour en effectuer une autre non prévue.
En revanche, le télétravail, par l'éloignement physique qu'il crée, a une incidence sur le travail collectif. Les cadres interrogés font en effet part d’un sentiment de distance vis‑a‑vis de leur hiérarchie mais aussi de leurs collègues. Ils trouvent plus difficile de coopérer, estiment ne pas avoir suffisamment de collègues et d'informations claires pour effectuer correctement leur tâche. Mais "si cet isolement semble affecter la coopération, il ne semble pas jouer sur le sentiment de reconnaissance des supérieurs et des collègues ni sur les perspectives de promotion", estiment les deux chercheurs. "De même, la convivialité des relations avec les collègues de travail ne semble pas affectée."
Un environnement de travail plus instable
Pourtant, l'environnement de travail est plus instable : "Les cadres pratiquant le télétravail sont plus nombreux que les non‑téletravailleurs à avoir connu au cours des 12 derniers mois des changements organisationnels importants de l’environnement de travail", rapporte l'étude. Les chiffres sont forts : 21% des télétravailleurs intensifs travaillent dans un établissement ayant connu un plan de licenciement (contre 4% des non‑télétravailleurs), 37% un déménagement ou une restructuration (22% des non‑télétravailleurs), et 37% un rachat ou un changement de direction (18% des non‑télétravailleurs). La corrélation semble forte entre le déploiement du télétravail et des changements organisationnels de grande ampleur, même s'il est difficile de savoir qui de l’œuf ou la poule a commencé le premier.
Cette instabilité plus importante s’accompagne d'un sentiment élevé d’insécurité économique : 47% des télétravailleurs interrogés estiment que la sécurité de leur emploi est menacée, contre 12% pour les non-pratiquants.
Une santé plus alterée
Est-ce lié ? L’état de santé des télétravailleurs est aussi décrit comme "plus altéré" que celui des autres. Ils sont aussi deux fois plus nombreux (17% contre 8%) à présenter un risque dépressif modéré ou sévère, et la moitié d’entre eux ont été arrêtés au moins une fois au cours des 12 derniers mois, contre un sur trois parmi les non‑télétravailleurs. Le lien entre télétravail et état de santé altérée reste toutefois à nuancer, car les raisons de la mise en place du télétravail ne sont pas appréhendées par les enquêtes utilisées. D'un côté, il n’est donc pas impossible que le télétravail permette des aménagements de poste pour salariés en mauvaise santé. De l'autre, ces télétravailleurs sont aussi plus souvent confrontés à un environnement économique instable, qui peut jouer un rôle conjointement dans le risque dépressif et la mise en place du télétravail...
Sans basculer dans le mélodrame, l'enquête invite surtout à relativiser les bienfaits avancés du télétravail : il ne serait, au final, pas significativement plus satisfaisant que le fait de rester au bureau. Ce sont même ceux pour qui le télétravail est le plus régulier qui se montrent les moins satisfaits. "Tout se passe comme si les avantages du télétravail étaient contrebalancés par une moins bonne santé et de moins bonnes conditions de travail, ces facteurs d’insatisfaction pouvant en partie préexister à la mise en place du télétravail", conclut l'étude.
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