INTERVIEW - A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Dans une lettre au président de la République, Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe, co-présidente du groupe d’études valorisation des activités touristiques et auteure d'un rapport sur le "Tourisme pour tous", tire la sonnette d'alarme sur le secteur, en péril avec le coronavirus.
Il y a eu les attentats. La crise des Gilets jaunes. Puis les mouvements sociaux en décembre dernier. Et voilà maintenant le coronavirus. A chaque fois, le secteur du tourisme a encaissé. S'est cramponné, a tenu bon, a remonté la pente. Mais repartant à chaque fois d'un peu plus loin, un peu plus brinquebalant. Le coronavirus sera-t-il un coup de grâce, le coup de trop ?
Pascale Fontenel-Personne, députée LaREM de la Sarthe, co-présidente du groupe d’études "Valorisation des activités touristiques", alerte. Elle vient d’envoyer une lettre au président de la République, réclamant des mesures drastiques pour sauver ce secteur. Interview.
Aujourd’hui, le problème pour les entreprises est le chiffre d'affaires
Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe
LCI : Selon vous, le coronavirus pourrait-il être dévastateur pour le secteur du tourisme ?
Pascale Fontenel-Personne : Pour de nombreuses entreprises du secteur touristique et des services, cette crise pourrait être LE point de bascule entre l’agonie et la mort. C'est donc 7% du PIB qui est directement menacé. Nous allons en effet de nouveau traverser un passage difficile.
Pour rappel, les attentats de 2015 puis 2016 avaient provoqué une chute du tourisme pendant environ deux mois, avant une reprise. Un mois et demi, c’est supportable. Mais par la suite, l’année dernière, nous avons eu les Gilets jaunes. Certes, ils n’ont pas fait fuir totalement les touristes. Mais ils ont altéré sérieusement le chiffre d’affaires. Puis le mois de décembre, qui est un mois très fort de visites et d’événements, a été amputé en raison des grèves et du manque de transports. Des reports s’étaient opérés sur février-mars. Comme il s'agissait de reports, les nouvelles commandes n’étaient pas aussi massives… Mais avec le coronavirus, ces reports ne vont pas se réaliser. Au final, sur six mois, de décembre à mai, les opérateurs du tourisme auront quasiment perdu une année de chiffre d’affaires.
Très concrètement, que se passe-t-il ?
Aujourd’hui, le problème pour ces entreprises, c’est le chiffre d’affaires. Elles subissent annulations sur annulations, que ce soient les voyagistes, les hôteliers, les autocaristes. Tout ce chiffre d’affaires disparu ne sera pas récupéré dans l’année. Il va donc y avoir beaucoup, beaucoup de dépôts de bilan. Et ces dépôts de bilan, c’est la dette de l’Etat qui augmente, car les salariés sont au chômage.
Il faut également une vraie solidarité, notamment de la part des banques
Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe
Le ministre des Finances et de l’Economie Bruno Le Maire a justement annoncé lundi des mesures de soutien aux entreprises. N'est-ce pas suffisant ?
Etaler ou reporter les charges (sic) salariales et fiscales comme l’a dit Bruno Le Maire, c’est très bien, et il fallait le faire. En revanche, on ne peut pas rester sourd au fait que pour certains opérateurs, ce report ne compensera pas la diminution drastique du chiffre d’affaires définitivement perdu. Pour certains, cela va simplement aider en dépannant de manière ponctuelle.
Je prends l'exemple de mon département, la Sarthe. De gros traiteurs qui assurent les événements sur le circuit des 24 Heures du Mans vont perdre 70% de leur chiffre d'affaires. Comme une ou deux courses sont cependant reportées en septembre, ils peuvent calculer qu’avec ce report des charges, ils vont pouvoir s’en sortir. En revanche, les petits traiteurs qui ne font que deux ou trois événements par an n’ont déjà plus de trésorerie. Ils vont donc déposer le bilan et des gens vont être au chômage.
Que préconisez-vous ?
Une baisse des charges, voire un effacement partiel, permettrait sans doute aux entreprises de respirer et de se redresser. Car la question se pose : ne vaut-ils pas mieux effacer une dette de 10.000 euros pour maintenir trois emplois alors que ne pas l’effacer ferait disparaître ces emplois, qui coûteront alors chacun 15.000 euros par mois à la société en allocations chômage ?
Par ailleurs, il faut également une vraie solidarité. Dans un tel contexte, je ne peux pas entendre certaines banques dire à leurs clients "débrouillez-vous". Lundi, Bruno Le Maire les a appelées, ainsi que les bailleurs, à être souples. J’ai confiance dans le fait qu’il a pris la mesure de la situation et de ce qu'il faut envisager. En 2007, la solidarité nationale avait permis de tirer les banques de la crise. La solidarité doit jouer dans les deux sens.

Vous appelez plus largement à une réforme du secteur, un "choc pour l’économie touristique". Que voulez-vous dire ?
Depuis 30 ans, le secteur du tourisme est solide. Il se porte plutôt bien, il représente 7% du PIB. Mais il est fragile, car il a du mal à s’organiser. Il a notamment occupé différentes places dans les préoccupations nationales. Quand j’étais directrice du développement du groupe Trigano, j’ai connu des ministres en charge du Tourisme, avec des portefeuilles dédiés. Cela permettait de centraliser toutes les demandes.
Depuis 2014, le secteur est éclaté entre le ministère des Affaires étrangères pour les entreprises, Bercy pour les consommateurs, le ministère du Travail et les Régions, qui ont une compétence tourisme. A l'époque, cela correspondait à de vrais besoins puisque le but était de développer l'attractivité internationale. Il fallait donc travailler avec les ambassades et les consulats. Mais au final, on a complètement oublié de sécuriser l’opérateur. Cet opérateur, c’est le tenancier du bateau mouche, les personnels des châteaux de la Loire… Cet éclatement est un vrai problème, et encore plus dans des moments difficiles comme celui du coronavirus. A mon sens, il faudrait un vrai ministère du Tourisme et des services. Cela permettrait d'organiser des ponts et de rationaliser le contact des citoyens et des opérateurs au même endroit pour mieux mettre en oeuvre le remède, tous ensemble, sur le long terme.
Car n'oublions pas : nous sommes assis en France sur un tas d’or qui dort, du patrimoine endormi qui, en le réveillant, fait redémarrer l’économie locale. Dans ma circonscription, deux sites sont inscrits au Loto du patrimoine : la Rotonde ferroviaire à Montabon et les Terrasses Caroline à Poncé-sur-Loire. Avant le Loto, la Rotonde accueillait 1.000 visites par an. Cette année, alors que les travaux sont encore en cours, c’est 5.000 visites. Deux restaurants vont renaître, cela va peut-être entraîner des petits hôtels de campagnes, des gîtes. J’y crois énormément. Mais pour tout cela, il faut avancer ensemble.
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