DÉCRYPTAGE - La Semaine pour la qualité de vie au travail, inscrite depuis 2013 dans un Accord national interprofessionnel, a débuté ce lundi. Mais qu’est-ce que ce dispositif a changé concrètement dans les entreprises ? Julien Pelletier, responsable animation scientifique à l'Anact, Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, fait le point.
La qualité de vie au travail, ce n’est pas qu’installer une plante verte dans un bureau ou faire basculer tout l’open-space en flex-office. C’est un concept très précis et défini, instauré en 2013 par un Accord national interprofessionnel (Ani) porté par l’Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), un organisme dépendant du ministère du Travail.
Alors que s’ouvre cette semaine la 16e Semaine de la qualité de vie au travail, LCI a voulu faire le point. Car s'il n'a jamais été autant question de bien-être et qualité de vie au travail, les arrêts maladie n’ont, eux, jamais été aussi élevés. Comment expliquer ce paradoxe ? Les explications de Julien Pelletier, responsable animation scientifique de l’Anact.
LCI : Après l’Ani signé en 2013, comment les entreprises se sont-elles emparées de la Qualité de vie au travail ?
Julien Pelletier : L’Ani entendait fixer un cap à long terme pour aider les entreprises à progresser vers des approches décloisonnées entre santé, compétence, organisation du travail et performance. Nous constatons aujourd’hui des avancées sur le versant sociétal avec par exemple des accords sur l’égalité professionnelle ou le télétravail. Mais les améliorations sont plus incertaines en matière de santé au travail. Les questions de charge de travail, de contenu et d’organisation restent peu abordées.
Comment expliquer que la santé ait été laissée de côté ?
Les entreprises ne savent pas comment s’y prendre. La santé en entreprise, c’est surtout la question des risques psycho-sociaux (RPS). Mais il est très difficile pour une entreprise de les objectiver et de les identifier. Les acteurs -RH, délégués du personnel, ex-CHSCT- mènent bien des enquêtes ou des baromètres, nomment des référents RPS et informent les managers. Mais trop souvent, le passage du diagnostic à l’action est difficile. Comment traduire en action le fait que tel salarié ait répondu "3" à la question 7 alors que tel autre a répondu "4" ? C'est compliqué. Et lorsque la mise en œuvre s'effectue, le DRH est parti ailleurs, des élections professionnelles ont eu lieu et les syndicats ont changé. Bref, de nouvelles machines sont en place et, du coup, le diagnostic n’est plus valable...
Les entreprises vont vers le plus facile, en mettant en place les "périphériques du travail"
Julien Pelletier, de l'Anact
Pourtant, les entreprises communiquent beaucoup sur le bien-être ou le bonheur au travail. Est-ce une manière de sembler traiter de la santé, sans le faire réellement ?
Le risque est en effet que les entreprises aillent vers le plus facile en mettant en place ce que nous appelons les "périphériques du travail", comme des massages, du sport, des crèches ou des cafétérias. Mais sans toucher vraiment aux questions d’organisation du travail. Or nous constatons que le thème de la charge de travail est récurrent. Il y a là un vrai souci.
Comment expliquer cela ?
La charge de travail est à mettre en lien avec le sens du travail. Je pense à un commercial d’une banque qui réalise des heures supplémentaires tous les soirs. Il en a assez. Pourtant, il dit : "Moi, cela ne me gêne pas de rester une heure de plus pour négocier un contrat avec le client. Mais rester une heure de plus pour faire des photocopies car la photocopieuse est en panne, cela m’embête. Et si cela se répète trop souvent, cela me stresse". Il ne faut donc pas seulement considérer la durée du travail mais aussi son contenu. Si le travail est intéressant, si vous êtes content de ce que vous avez fait, que vos collègues sont épatés et que votre chef vous félicite, vous serez content. Mais regarder le contenu du travail est quelque chose de compliqué pour les acteurs des entreprises.
Expérimentons des nouvelles manières de travailler avant de les déployer !
Julien Pelletier, de l'Anact
Quelles pistes préconisez-vous pour améliorer le pan santé en matière de QVT ?
Diagnostiquer ne suffit pas, il faut aussi anticiper. Mais l'anticipation, c'est une boule de cristal. Pour le patron, la fusion ou la réorganisation va permettre à son entreprise d’aller mieux ; le représentant syndical, lui, va voir du stress et de la réduction d’emploi. Il est impossible de construire un accord collectif sur cette incertitude.
Notre solution est donc de créer un nouvel espace pour piloter le changement : l’expérimentation. Expérimentons de nouvelles manières de travailler avant de les déployer. Par exemple, dans une société, prenons une dizaine d’activités, numérisons les et demandons aux salariés quels sont les effets sur leur charge de travail, leur santé ou le sens du travail. Pour reprendre contact avec la réalité du travail, il faut en effet impliquer les employés. Ils sont experts pour évaluer finement l’organisation du travail. Leurs recommandations vont infléchir les choix des chefs de projet. Elles vont ensuite permettre de redescendre sur le terrain des projets en phase avec la réalité.

Les projets d'aujourd’hui sont la qualité du travail de demain
Julien Pelletier, de l'Anact
Mais comment expliquer que les organisations de travail soient si peu questionnées ?
Là encore, on passe un peu à côté car on ne sait pas comment s’y prendre. Le vrai problème, c'est que les choses sont cloisonnées. Dans une entreprise, on trouve ceux qui s’occupent du social (élus, médecin du travail, DRH) ; ceux qui s’occupent de la conception technique (directeur du marketing, de la production...) et puis la direction elle-même qui s’occupe du marché. Or les trois secteurs sont cloisonnés.
Par exemple, le patron dit : "La concurrence arrive de Chine, nous devons réduire le prix de revient de 10% pour ne pas perdre des parts de marché." Le directeur des achats va alors mettre la pression sur les sous-traitants. Deux ans après, les élus constatent que les salariés ont développé des TMS (troubles musculo-squelettiques), des tendinites… Que s’est-il passé ? Le nouveau sous-traitant propose en fait des composants de mauvaise qualité, qui fait que les opérateurs doivent répéter le même geste plusieurs fois. Mais personne n’est capable d'établir de liens entre la décision économique, la décision organisationnelle et les effets sur les TMS. Il faut donc recréer le lien entre ces trois pôles : mettre la direction, les managers, les concepteurs et les élus dans le même espace. Comme on ne peut pas arrêter le changement, il faut le concevoir ensemble. Les projets d'aujourd’hui sont la qualité du travail de demain.
> Pour découvrir toutes les initiatives organisées à Paris et en régions par l'Anact et ses antennes dans le cadre de la Semaine de la qualité de vie au travail, rendez-vous par ici
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