DÉCOUVERTE - Sur les réseaux sociaux, ils s'appellent les "vélotafeurs" : ces salariés qui, un jour, ont décidé d'aller au travail à vélo. Sur le terrain, de plus en plus de personnes, lassées des temps de transport à rallonge, des embouteillages, des amendes, décident d'opter pour la bicyclette. Et cela change, visiblement, leur vie.
Les bouchons en voiture, les rames bondées, les heures de pointe, très peu pour eux. Eux, ils vont au bureau à vélo. Et cela leur a changé la vie. Tout observateur attentif des modes de locomotion l’aura sans doute constaté : depuis quelques mois, à Paris notamment, le nombre de cyclistes semble exploser. Ils se faufilent, filent, slaloment. Le jeune cadre dynamique sur son vélo de course à 3.000 euros. Le nonchalant stylé, clope au bec en Vélib'. Le cycliste en tenue complète. La jeune femme en bicyclette et jolies compensées. Le père de famille qui a accroché une carriole. Tout un monde, aussi divers que foisonnant.
Sur Internet, ils s’appellent les "vélotafeurs", pour ceux qui pratiquent le "vélotaf", compilation de "vélo" et "taf". "Vélotaf", ça vient d’un forum du même nom lancé il y a plusieurs années par un éditeur de presse spécialisé dans le VTT. Le terme a essaimé, au point d’être repris par les "cyclonautes", ces cyclistes-internautes.
On est un peu comme des idiots, habitués au périph', à l’A86
Jérôme Sorrel, auteur de "Vélotaf, mode d'emploi"
Souvent, tout est parti d'un déclic. Comme pour Jérôme Sorrel, vélotafeur depuis 5 ans et auteur de "Vélotaf, mode d’emploi du vélo au quotidien" (éditions Alternatives) et Urban Bike, concilier vélotaf et sport (éditions Solar) "Je vis dans le 17e arrondissement de Paris, je travaillais alors à Croissy-sur-Seine. J’y allais en scooter ou en voiture", raconte-t-il à LCI. "Un jour, ma voiture a eu besoin d’être révisée. Le garage étant près de mon lieu de travail, j’ai mis mon vieux VTT dans le coffre pour rejoindre mon bureau après avoir déposé le véhicule."
Mais les choses se goupillent mal, le garagiste doit garder la voiture plus longtemps que prévu. Comment rentrer ? Il y a bien le RER. 15 minutes à pied du bureau, un changement à Charles-de-Gaulle, encore un peu de marche, et c’est le 17e. Mais Jérôme n'a pas envie. La journée est belle, on est en mai. Il sort son vélo. Petit changement d’habitude qui ne va pas sans mal : "On est un peu comme des idiots dans ces cas-là, habitués au périph', à l’A86. Je me demandais comment faire pour rentrer chez moi sans passer par là." Heureusement, il y a Mappy, et c’est parti. 15 km à faire travailler les mollets. "Et j’ai adoré ça. C'était facile et agréable ! Du coup, le lendemain, j’ai recommencé." Et le surlendemain, encore : pendant 4 ans, Jérôme fait 40 km par jour environ. Au fil des mois, il peaufine son trajet. Oui, le plus direct est 16 km. Mais rallonger un peu, en un temps à peine plus long, permet de dégoter une piste cyclable sur les bords de Seine, où il est quasi seul au monde. Et le trajet boulot-dodo devient "un moment top. Cela m'a changé la vie". Un déclic, on vous dit. Pas un déclic écologique, ni politique, un déclic pragmatique.

La première fois qu’on fait du vélo, on a l’impression d’être un super héros
Bilook Le Cycliste, vélotafeur
C’est aussi ce que raconte "Bilook le Cycliste", de son nom de scène sur Youtube, un "vélotafeur" en avance sur son temps : il a 43 ans et pratique… depuis le collège. "J’habitais dans une petite ville de banlieue parisienne. J’allais à l’école en vélo. Cela ne m’intéressait pas de perdre du temps. C’est la base de ma démarche." Encore du "pur pragmatisme". Et du plaisir. "La première fois qu’on fait du vélo, on a l’impression de voler, d’être un super héros !", rigole Bilook. "Je suis resté très attaché à cette sensation, à cette magie du vélo".
En arrivant à Paris, étudiant, il ne pense pas à emporter son vélo. Et il découvre cette "ville incroyable", "où l’on peut passer plus d’une heure porte à porte, pour faire 8 km avec trois changements. Je n’avais pas imaginé ça !" Il a habité Paris pendant 18 ans, vient de déménager en grande couronne. Mais travaille depuis toujours porte de Versailles. Il a tout expérimenté. Les transports en commun. La voiture pendant un an. "Une sale période", plaisante-t-il. "En voiture, on sait quand on part, on ne sait jamais quand on arrive. D’autant que j'ai constaté que j’avais tendance à devenir très con au volant !"Bref, un jour, il ressort son vélo. Et sa magie : "On sait quand on part, on sait quand on arrive !"
Il y a des freins très tenaces au début, et ça devient vite très addictif !
Bilook Le Cycliste, vélotafeur
Souvent, le vélotafeur nouveau suscite des interrogations dans le cercle proche. De la curiosité mêlée de crainte. "Les deux questions récurrentes, c’est : 'et quand il pleut, comment tu fais ?' 'Tu sues, ça doit être horrible ?'". Faux problèmes, assène Jérôme : "Alors oui, quand il pleut, on est mouillé ! Mais alors ? On met un Kway !" Quant à la sudation intempestive, "oui, cela arrive au début. On prévoit alors une chemise propre et un pantalon de rechange au bureau. Et s’il n’y a pas de douche, un coup de gant dans les toilettes et c'est réglé. Et au fil du temps, le corps s’habitude à l’effort et on ne transpire plus. En tout cas, pas plus que dans les transports en commun !"
"Il y a des frein très tenaces au début de la pratique", abonde Bilook. "Mais, ce qui est génial chez tous les jeunes convertis, c’est que cela devient très addictif." Il raconte ainsi les appels d'amis, trempés comme des soupes après une averse : "Ils me demandent : 'C’est quoi ta veste de pluie ?' Leur réflexe n'est pas de dire 'c’est fini le vélo !' Ils se battent pour trouver des solutions !".
Donner envie d'avoir envie
La force des vélotafeurs, c’est aussi cette communauté, cette solidarité. Que ce soit sur le terrain – une petite discussion à un feu rouge entre cyclistes, une soirée entre potes à parler des sorties du lendemain, des trajets ou de la taille des pneus- mais aussi, donc, sur les réseaux sociaux. "Il y a une super belle communauté sur Twitter, très active, avec toutes les tonalités, toutes les manières de communiquer, de réagir, ou de s’indigner", raconte Jérôme Sorrel. Là aussi se mélangent tous les profils, du pur esthète au plus militant en passant par le prosélyte, désireux de partager sa passion".
Sur YouTube, Bilook le Cycliste est ainsi une petite star des "Daily Obs", des vidéos commentées de ses trajets. En 2013, il s'est équipé d'une GoPro pour partager surtout de jolies balades, avec des belles lumières. "Et puis un jour, j’ai fait un montage de mes trajets urbains, où je montrais les crasses subies depuis trois mois", raconte-t-il. "Le film a eu beaucoup de succès. Mais cela m’a agacé : ce que je présentais, c’était la meilleure recette pour dégoûter du vélo." Alors il a décidé de filmer ses trajets en intégralité : "C’est important de voir que même si j'ai été rasé par un chauffard, 99% du trajet était bien." Donner envie d’avoir envie.
On peut décider de continuer à râler, mais on peut aussi décider de s’adapter, et le vélo est la réponse évidente
Jérôme Sorrel, auteur de "Vélotaf, mode d'emploi"
Et c'est la question : le vélo est-il contagieux ? Bilook et Jérôme affirment constater sur le bitume cette nouvelle fièvre. "Ça explose. Sidérant", dit le premier. "Quatre groupes de personnes se mettent au vélo", estime Jérôme. "Celui qui cherche à faire du sport ; le résigné, qui en a ras-le-bol des transports en commun qui ne marchent pas, des prunes sur le scooter, des embouteillages ; le pragmatique, qui a tout essayé ; et enfin l’écolo, qui a une conscience de l’impact de son mode de vie sur la planète." Les chiffres le confirment : après un effondrement de la pratique du vélo dit "utilitaire" jusque dans les années 1970, le deux-roues revient en force depuis quelques années, dopé par des politiques volontaristes des villes. Le gouvernement met aussi son grain de sel : en 2018, il a lancé un "Plan vélo", avec la volonté de porter la part des déplacements à vélo à 9 % d'ici 2024.
Et l'ensemble paie : en 10 ans, les déplacements ont doublé, voire triplé par endroits. A Paris en 2016, selon les chiffres de la Ville, le vélo est 3,09 fois plus utilisé qu'en 1995. La capitale est pourtant loin d'être première de la classe : le dernier recensement de l'Insee , effectué en 2015, met Strasbourg (16% des trajets à vélo), Grenoble (15%) et Bordeaux (11%) en tête du classement des villes où les travailleurs se rendent le plus à vélo au bureau.
Les mentalités, peut-être, évoluent. Le modèle du tout-voiture se fait chambouler à marche forcée. Les pistes cyclables essaiment, lentement, mais sûrement. Les scooters voient leur place se réduire sur la chaussée. Se font enlever sur les trottoirs. Sont, aussi, diablement accidentogènes. Les amendes pleuvent. Les sens interdits et zone 30 se multiplient. A l’inverse, le vélo a un ticket d’entrée quasi accessible à tous. Permet de se faufiler en tous sens. "On peut décider de râler sur tous ces changements", dit Jérôme Sorrel. "Mais on peut aussi décider de s’adapter, et le vélo est probablement la réponse évidente."
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