INTERVIEWS - La première Biennale consacrée aux artistes ayant effectué des résidences en entreprise se tient jusqu'à dimanche au Carreau du Temple à Paris. Nous avons rencontré trois de ces artistes. Ils nous racontent leur œuvre, leur démarche et nous livrent leur monde du travail.
Ils sont venus, ils ont vu. Ils ont interagi, réfléchi. Ils ont créé. Et donné leur regard sur le travail et l'entreprise. Sur les hommes et femmes qui y travaillent. La première Biennale consacrée aux résidences d’artistes en entreprise a débuté ce jeudi au Carreau du Temple à Paris. Elle se tient jusqu'à dimanche.
A chaque artiste, un parcours, une démarche, une société différentes. Trois d'entre eux nous racontent leur immersion et nous décryptent leurs oeuvres.
Florent Audoye est devenu "chargé du bonheur" à la CPME
> La démarche ? "Ce qui m’intéresse, c’est la manière dont l’être humain se conditionne et se normatise à travers des formes de contrat, de travail, de normes sociales et culturelles. Par le passé, j'ai beaucoup utilisé l’administratif, l’institutionnel, la bureaucratie en les détournant de manière absurde, en travaillant sur le burlesque, le grotesque, l'humour.
Pour le projet à la CPME (ndlr : Confédération des petites et moyennes entreprises), j'ai voulu aller dans l’absurdité jusqu’au bout, en étant "chargé du bonheur au travail". Cela me faisait beaucoup rire. Mais je me suis trouvé face à une petite équipe. Et face à ces salariés, je ne pouvais pas m’amuser ou tourner cela en dérision. J’ai donc mis de côté l’humour et j'ai pris mon rôle à coeur. Je me suis penché sur les temps de trajet domicile-travail, j'ai fait venir un chien, un naturopathe, un maître de feng-shui. Et je me suis fait piéger par mon propre rôle professionnel, en me retrouvant assis derrière un ordinateur, plusieurs heures par jour : j'en ai presque fait un "burn-out"!"
> L'oeuvre : L'installation ressemble à un stand professionnel, avec un Kakemono, une table de travail et des documents administratifs disposés dans l'espace.
"Le contrat de travail est présenté comme une œuvre sur une étagère, le certificat comme un diplôme. Un iPhone, sacralisé en étant placé dans une petite boite, diffuse des 'stories', qui contrastent avec cette rigueur terrible du document administratif", explique Florent Audoye. "Car dans cette résidence, j'ai voulu être en CDD, en 35h, comme les autres." Dans un coin, traîne un journal intime, en "mode écriture automatique, un peu dramatique, où l’on se rend compte que ce chargé du bonheur est complètement dépressif ! Cela donne d’autres clés de lectures."
> Le bilan : "J'ai beaucoup observé les salariés. J’étais déconnecté du stress du travail, de la position assise devant un écran et je voyais l'Humain, les problèmes d’espace, de mur, de positionnement, de bureau. J’ai remarqué qu’il était très facile d’accéder à chaque personne, d’échanger en tête à tête. A l'opposé, la psychologie du groupe est difficile. Dès que nous sommes en groupe, chacun a des jeux interprofessionnels drôles. Et j'ai trouvé très difficile d’y apporter le naturel, la simplicité, l’émotion".
"Urgent et confidentiel", d'Igor Antic, en résidence chez Eurogroup consulting
> La démarche ? "Je ne connais rien à ce monde du consulting. Je m’y suis retrouvé catapulté. Il m’a fallu une grande phase d’immersion de deux ou trois mois pour comprendre comment il fonctionne. Car ces consultants travaillent dans le domaine de l’immatériel, se transmettent des informations, anticipent, ont leur propre vocabulaire. J’ai assisté à beaucoup de séminaires, de réunions, sans vraiment comprendre grand-chose. Mais je me suis intéressé à tout leur vocabulaire, aux manières dont ils travaillent et aux méthodes hyper-sophistiquées qu’ils utilisent. A la fin, j'ai estimé qu’il faudrait faire confiance à l’intuition. Résultat : j’ai fait appel à une voyante."
> L’œuvre ? Ce sont des photos de marc de café. Sous chaque tasse, figure un portrait du salarié qui l’a bue.
"J’ai invité cette voyante pour prédire l’avenir d’un projet mené par les consultants. Les deux univers sont en effet dans l’anticipation et le futur. Mais alors que les consultants sont complètement dans le rationnel, ils étaient impressionnés par l’irrationnel de la voyante. Elle se trouvait dans une salle, ceux qui menaient le projet dans l’autre. Ils ont bu le café, j’ai retourné leur tasse, la voyante y a lu l’avenir, j'ai photographié et retranscrit le tout".
>Le bilan ? "Il n'est pas facile d'aborder des gens qui travaillent. Ils pensent que nous sommes des provocateurs ; ils sont méfiants, perçoivent cela comme une obligation, une sorte de divertissement proposé par l’entreprise, au même titre que la visite d’un musée. Petit à petit, une confiance s’est pourtant un peu installée. Ils ont sans doute été plus méfiants quand ils ont découvert à la fin le sens de mes œuvres...
J'avais déjà travaillé chez HEC ou Pommery. Cela ouvre à d’autres possibilités, qu'on ne connait pas en évoluant dans un milieu strictement artistique. J'essaie de comprendre ce qui peut intéresser une entreprise, j'essaie aussi de troubler les masses, de montrer aux salariés qu'il est possible d'avoir un esprit plus créatif, de s’amuser en cherchant. Evidemment, on est toujours sur un terrain délicat. Mais je trouve ce clash très intéressant : on n’est jamais tranquille."
"Cosa Mentale", de Djamel Kokene Dorléans, chez Crystal Group
> La démarche ? "Mon projet avait connu plusieurs histoires avant d’arriver à la résidence. J’avais déjà construit une cage, avec un rocher et une couche de brume. Comme des univers. Pour moi, une œuvre forme toujours un univers, un monde, un fragment de la globalité. J’ai voulu faire évoluer ce projet en cherchant une aide technique. Et j'ai été orienté sur Crystal Group, une entreprise spécialisée dans la transformation des matières. J’ai envoyé l’idée, mes dessins. Ils ont été emballés. Ils sont beaucoup dans l’expérimentation, j’étais en immersion. On y est allé ensemble, j’aime bien embarquer avec moi."
> L’œuvre ? C’est une cage, suspendue, comme une cage d'oiseau, abritant… une tornade. "Cosa Mentale" évoque nos interrogations et paradoxes, la recherche d’une plus grande liberté, en même temps que la maîtrise des choses et des êtres par l’homme.
> Le bilan ? "C’est une très belle expérience. Nous avons échangé, essayé, sans savoir si cela allait fonctionner. J’aime cette idée de mettre en connexion, d'établir des liens avec des choses auxquelles on ne pense pas. "Cosa Mentale" touche aussi à la question du territoire et à tous les gens, au sens le plus large, qui ont participé à l’œuvre. C’est une façon de dire qu’on ne fait jamais les choses seul. Évoquer cette complexité des inter-relations, des humains impliqués à différents niveaux de la production, m’intéresse énormément."
> Biennale PACT(e) au Carreau du Temple à Paris, jusqu'à dimanche, tous les détails par ici
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