DÉCRYPTAGE - Selon un rapport du Forum économique mondial, plus de 50% des tâches professionnelles courantes seront effectuées par les machines à partir de 2025. Une mutation qui va entraîner une transformation profonde du marché du travail.
Les robots s’incrustent, toujours plus. Au point de remplacer les travailleurs, menacés par cette automatisation et robotisation dans tous les secteurs ? C’est ce que pourrait faire craindre l’étude du Word Economic Forum (Forum économique mondial, dont le sommet se tient chaque année à Davos) publiée lundi : en 2025, 50% des tâches professionnelles seront exécutées par des machines. Découlera de cette automatisation la disparition de milliers de jobs - mais aussi l'apparition de nouveaux. Des lourds changements. Une mutation profonde, au point que la période est déjà appelée "4e révolution industrielle".
Sur le papier, ces données peuvent faire frémir. Pas d’inquiétudes, cependant. Le séisme, si séisme il y a, se fera petit à petit.
Ce qui est sûr, c’est que certains secteurs seront plus concernés que d’autres. Parmi eux, entre autres, les métiers amenés à manipuler d’importants volumes de données (centres de gestion des clients, comptabilité, secrétariat, services postaux ou encore usines d’assemblage...) mais aussi la finance, les RH, les achats, la gestion de maintenance des équipements... Au total, selon l’étude, 75 millions d’emplois pourraient être supprimés au niveau mondial dans ces filières d’ici 2022.
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Mais Michel Tardit, chargé de veille documentaire au CIDJ (Centre d'information et de documentation jeunesse) et coordinateur du "Guide des secteurs qui recrutent", appelle à relativiser : "Les emplois menacés sont surtout des emplois pas ou peu qualifiés. Ce qui nous attend surtout est une évolution des compétences", explique-t-il à LCI. Les chiffres du Conseil d’orientation pour l’emploi, qui avait édité un rapport sur l’automatisation en janvier 2017, le montrent d'ailleurs clairement : c’est moins de 10% des emplois qui sont réellement menacés par l’automatisation, la grande majorité des autres n'étant que partiellement automatisables. "Au final, les métiers de demain sont principalement les métiers d’aujourd’hui : des métiers qu’on connaît, mais dont la pratique va évoluer", ajoute MIchel Tardit.
Car si les machines ou algorithmes peuvent désormais s’occuper des tâches les plus répétitives, c’est davantage vers une complémentarité entre homme et machine que l’on s’oriente. Le salarié va donc devoir développer sa valeur ajoutée, qui n’est pas automatisable. Et il s’agit avant tout de "compétence humaines", ou "sociales". Dans la note du Word Economic Forum, intitulée "cinq choses à savoir sur l’avenir des emplois", 42% de nos compétences dans un emploi seront ainsi amenées à évoluer. "Cela nous renvoie à des évolutions qu’on a pu connaitre quand l'informatique s’est développée dans années 1980, précise Michel Tardit. Cela a alors énormément impacté l’offre dans l’emploi, notamment dans le tertiaire, le secrétariat, la comptabilité... Voilà pourquoi l'on parle aujourd’hui de la '4e révolution industrielle'. Et parmi ces nouvelles compétences "sociales", seront dorénavant particulièrement recherchées, selon le rapport, "la créativité, l'originalité, l'initiative, la réflexion critique", mais aussi la "persuasion, la négociation, le souci du détail, la résilience, ou encore la flexibilité et la résolution de problèmes complexes".
Les métiers plein d'avenir
Alors oui, cette "révolution" dessine aussi de nouveaux métiers. Des besoins vont émerger dans tous les secteurs liés au numérique, et donc dans l’informatique, l’intelligence artificielle, le marketing ou le traitement de données. "Il va y avoir quelques nouveaux métiers, notamment l'apparition de fonctions qui tournent autour du marketing, de la communication, ou des métiers autour de l’usage des consommateurs sur internet", nous indique Michel Tardit. "On l'a déjà vu avec les community manager, les trafic manager. Il y a aussi de gros besoins de développeurs." La dernière étude "Perspective de l’emploi Cadre" de l’Apec montre d'ailleurs que chez les cadres, ce sont les profils d’informatique qui sont les plus recherchés (21% des recrutements en France en 2017). Sauf que ces besoins sont aussi à relativiser, au regard du volume de postes évoqués.
Car oui, il y aura tout de même une vie en dehors de l'informatique ! L'étude annuelle de ManPower Group, sur la pénurie de talents en 2018, montre notamment que le top 5 des métiers les plus recherchés dans le monde depuis 10 ans sont : les ouvriers qualifiés (électriciens, soudeurs, mécaniciens…), puis les commerciaux, les ingénieurs, les chauffeurs et les techniciens. Les besoins dans les métiers liés à la logistique et au service client connaissent aussi une forte progression, dopés par la croissance du commerce en ligne.
"Le vrai enjeu, la formation professionnelle"
Alors oui, comme l'indique France Stratégie, un service rattaché à Matignon, dans son rapport sur les Métiers en 2022, le secteur informatique est et sera important en terme de recrutement. Sauf que, en comparant... c'est l’agent d’entretien qui a le plus d’avenir, avec 387.000 postes à pourvoir en 2022, contre la moitié, 190.000 postes , pour l'informatique. "C’est intéressant de remettre en perspective les besoins", insiste Michel Tardit. "Car au final, on voit bien que tous les métiers de service, de la santé et du social se développent, tels que aides à domicile, tels que aide-soignants, infirmiers, qui ont en face des besoins sociaux très importants." Autre gros secteur plein d'avenir, celui de la vente. Mais également tout ce qui concerne les services aux entreprises (informatique donc mais aussi propreté et sécurité).
Bref, dans le futur, loin de tout fantasme, les métiers d'aujourd'hui seront pour la plupart toujours là. Différents, nécessitant de nouvelles compétences, mais toujours là. "Le vrai enjeu sera, en fait, celui de la formation professionnelle", anticipe Michel Tardit.
> Pour s'informer ou s'orienter, Centre d'information jeunesse, 101, quai Branly, 75 015 Paris. Ouvert du mardi au vendredi de 13 h à 18 h et le samedi de 13 h à 17 h. Gratuit, ouvert à tous.