DROIT - Le réalisateur Luc Besson a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel de Bobigny à verser une amende de 10.000 euros pour avoir licencié, en 2018, l'assistante de direction de sa société EuropaCorp alors qu'elle était en arrêt maladie. Le Code du travail est très clair sur ce point.
Elle était en arrêt maladie, et a été licenciée. Elle, c’est l’assistante de direction de Luc Besson. Le réalisateur français a en effet été condamné ce mercredi par le tribunal correctionnel de Bobigny à verser une amende 10.000 euros pour avoir licencié, en 2018, l'assistante de direction de sa société EuropaCorp alors qu'elle était en arrêt maladie. Sa société EuropaCorp, en grande difficulté financière, qui est placée depuis octobre en procédure de sauvegarde, écope de 20.000 euros d'amende.
Oui, il est possible de licencier pendant un arrêt maladie
Que dit la loi en matière de licenciement pendant un arrêt maladie ? Le Code du travail est très clair : un employeur ne peut pas licencier un salarié absent en raison de sa maladie, car un licenciement en raison d’un état de santé est considéré comme discriminatoire. En revanche, un salarié n'est pas à l'abri de tout licenciement pendant sa période d'arrêt de travail : s’il est renvoyé pour un autre motif que sa maladie, par exemple perturbation du fonctionnement de l'entreprise, inaptitude, pour faute ou encore motif économique. Même lorsqu’il est en arrêt maladie, rien n’empêche d’ailleurs un employeur de convoquer son salarié à un entretien préalable de licenciement.
En matière de jurisprudence, plusieurs exemples viennent illustrer ce propos. En 2008, la Cour de cassation a donné raison à un employeur qui avait licencié pour faute un salarié pendant un arrêt de travail pour maladie. Celui-ci avait en effet "tenu des propos injurieux tenus concernant sa supérieure hiérarchique, devant trois adultes". Un comportement fautif, selon la Cour, dans la mesure où il était clairement lié à la vie de l'entreprise, selon l'arrêt du 10 décembre 2008. De la même manière, un salarié qui ne retourne pas travailler à la fin de son arrêt de travail, alors que ses attributions restent conformes à celles énoncées dans son contrat de travail, commet une faute grave, passible de licenciement. C'est ce qu'a estimé la Cour de cassation, dans l'arrêt n° 15-24224 de la chambre sociale du 22 mars 2017. Pour la petite anecdote, le salarié en question avait par ailleurs envoyé aux dirigeants "un mémorandum critique sur la gestion de l'entreprise ne comportant pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs", "se bornant à critiquer la capacité de la direction à gérer l'entreprise". Les juges n'ont pas estimé que cela constituait une faute grave, mais retenu uniquement le fait qu'il ne soit pas revenu travailler.
Les cas de discrimination
Mais alors, dans le cas de l’affaire de Luc Besson, que s’est-il passé ? En fait, toute l'affaire s'est jouée sur ce motif de "discrimination fondée sur l'état de santé". C'est là dessus qu'était jugé le réalisateur, lors de l'audience qui s'était tenue le 28 novembre dernier. A la base de tout cela, une plainte de son assistante de direction : elle avait déposé en octobre 2017 une demande de congés - à deux reprises - refusée par le réalisateur. "Lassée du harcèlement qu'elle subit depuis des années", elle s'était mise en arrêt maladie, avait expliqué à l'AFP son avocat, Me Mathieu Brulé. Elle tenait les agissements du réalisateur comme cause de la dégradation de son état de santé. Mais le 9 janvier 2018, l'assistante de direction avait été licenciée pour "faute grave" sur la base de cet arrêt de travail.
Du côté de la partie de Luc Besson, cet arrêt de travail est qualifié de "frauduleux". Arnaud de Senilhes, avocat du réalisateur, avait expliqué en novembre à l’AFP : "Eric Besson n'a pas licencié son assistante parce qu'elle était en congé maladie mais pendant son congé maladie. Il n'y a rien de discriminant". Selon le conseil, elle aurait utilisé cet arrêt pour prendre ses vacances.
Il y a un sentiment de soulagement
Me Mathieu Brulé
Le tribunal a donc tout de même reconnu le caractère discriminatoire du licenciement, mais atténué la peine : le procureur avait requis dix mois de prison avec sursis contre le cinéaste, 30.000 euros d'amende contre le PDG d'EuropaCorp et 50.000 euros pour sa société. A noter qu'en octobre 2019, le conseil des Prud'hommes de Seine-Saint-Denis avait reconnu le harcèlement que subissait la salariée d'EuropaCorp de la part de son employeur, mais avait écarté le caractère discriminatoire du licenciement.
A l'annonce du délibéré, Me Mathieu Brulé, l’avocat de la cliente a réagi : "Du côté de ma cliente, il y a un sentiment de soulagement. Soulagement que le tribunal ait pris les mesures de la perversité de la situation. Elle a été licenciée en raison de la dégradation de son état de santé et alors que cette dégradation de son état de santé résultait uniquement des agissements destructeurs de Luc Besson et notamment du harcèlement moral".
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