Lutter contre le sexisme en entreprise, plus facile à dire qu’à faire ? Ces groupes livrent leurs bonnes pratiques

par Sibylle LAURENT
Publié le 19 juin 2019 à 17h36, mis à jour le 20 juin 2019 à 9h38
Lutter contre le sexisme en entreprise, plus facile à dire qu’à faire ? Ces groupes livrent leurs bonnes pratiques
Source : SL/LCI

CONCRET - Pour lutter contre le sexisme ordinaire, que font les entreprises qui sont passées des bonnes intentions aux actions ? Lors d’une journée dédiée au sujet, organisée par le Medef, quatre délégués Diversité ont partagé leurs pistes d'action.

#MeeToo, l’affaire Weinstein, ont secoué la société et les entreprises. Et révélé, de la part de ces dernières, un intérêt réel pour le sujet du sexisme. Il suffit de regarder, à chaque salon ou conférence pro, la salle pleine dès que le thème est évoqué. Ce qui traduit donc un intérêt, une curiosité. Mais aussi sans doute un certain désarroi. Comment lutter efficacement ? Par où commencer ? 

Si le sexisme, le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles sont désormais très définis et inscrits dans la loi, reste maintenant à trouver les armes. Car les entreprises n’ont aucun outil. Tout est à inventer. En décembre dernier, 30 entreprises se sont engagées autour de l’initiative #StOpE, pour faire reculer le sexisme ordinaire en entreprise. Quatre responsables diversité de quatre entreprises signataires sont venus en parler jeudi 13 juin, lors d’une journée dédiée au sujet, organisée par le Medef. LCI est allée écouter leurs bons conseils.

Il est important de parler du sexisme, et de former les collaborateurs
Anne-Laure Thomas, chez L'Oréal

Anne-Laure Thomas Briand, directrice Diversité et inclusion chez L’Oréal

> Pourquoi s’engager ? "Je suis convaincue qu’ensemble, on est plus fort. Nous avons donc envoyé un mail à plusieurs entreprises, avec l’idée de partager les bonnes pratiques autour du sexisme ordinaire. Nous avons identifié des actions à mettre en place et, le 4 décembre, 30 patrons ont signé cet accord en s’engageant à en mener à bien au moins une. Nous nous voyons pour faire le point tous les trois mois."

> Dans votre entreprise, quelles actions concrètes ont été mises en place ? "Nous nous sommes dit qu’il était important que les collaborateurs et visiteurs puissent lire cet Acte d'engagement commun [comportant huit mesures dont l'application du principe de tolérance zéro, la diffusion d'outils pédagogiques pour faire face aux agissement sexistes ou le fait de sanctionner les comportements répréhensibles] ". Nous avons affiché le texte dans le hall d’accueil, avec l'idée de le rendre visible. Nous l'avons aussi  diffusé sur tous nos écrans, dans nos usines et au siège social. Nous voulons provoquer des échanges. 

S’il est important de parler, il est aussi important de former : tout nouveau-venu chez L’Oréal assiste ainsi à une journée dédiée au thème de la diversité. Nous avons sensibilisé les formateurs à la thématique du sexisme. C’est un premier pas vers une formation plus importante que nous sommes en train de monter."

Nous ne sommes pas là pour instaurer une police de la pensée, mais pour que chacun comprenne ce qu’est le sexisme
Morgane Reckel, chez EY

Morgane Reckel, directrice associée Diversité et inclusion chez EY

> Pourquoi s’engager ? "Le sujet concerne un grand nombre de femmes. Le cadre de l’entreprise est contraint, régi par des codes de conduite. Il suppose un socle qui est le respect mutuel. Il était donc évident d’aborder ce sujet. Mais souvent, des craintes émergent, du type "police de la pensée", "nouvel ordre moral", "peut-on encore séduire ?" Nous ne sommes pas là pour cela, mais pour que chacun comprenne ce qu'est le sexisme et ses conséquences concrètes. Des agissements qui peuvent être considérés comme anodins ne le sont pas. Il y a souvent du déni."

> Dans votre entreprise, concrètement, quelles sont les actions mises en place ? "Il faut trouver tous les leviers pour expliquer ce qu’est le sexisme. Pour sensibiliser, nous avons commencé à faire passer sur nos différents sites des phrases destinées à interpeller  comme : "Viens avec nous, tu seras notre atout charme" ou "elle est encore enceinte. Elle les enchaîne". Nous avons également diffusé des dessins mettant en scène des situations sexistes. Là encore, l’idée n’est pas de créer l’injonction mais d’interpeller, de faire naître la prise de conscience. 

Nous essayons par ailleurs d’expliquer les règles et les process qui sont les nôtres, pour créer un climat spécifique permettant à tout individu de penser qu'il a le droit de dire "cela ne me convient pas". Pour les agressions, nous affichons la tolérance zéro, et voulons permettre à l’interlocuteur de parler du sujet, avec tous les échelons concernés, jusqu’au psychologue. Sans oublier l'application de sanctions."

Pourquoi le sexisme s'immisce-t-il partout ?Source : JT 20h Semaine

Nous voulons publier le nombre de cas remontés, et les traitements faits
Jean-Louis Carvès, chez IBM

Jean-Louis Carvés, Diversity engagement partner chez IBM

> Quelles actions menez-vous  ? "Nous avons mis en place une formation obligatoire pour tout le monde sur le sujet du sexisme. Nous avons proposé un acte d’engagement individuel sur le comportement autorisé dans l’entreprise. Et nous avons réaffirmé au niveau mondial notre tolérance zéro, notamment via un mail intitulé "Que faire si quelqu’un franchit la ligne ?".

Nous travaillons également sur la publication du nombre de cas qui sont remontés et des traitements qui en ont été faits. Car afficher la "tolérance zéro" sans que les personnes n'en voient les effets, fera tomber le discours à plat. Il faut donc communiquer sur le type d’acte commis.

Il faut, enfin, travailler sur la culture d’entreprise, sur un environnement où l’on peut être soi-même. Récemment, un collaborateur est venu me voir, il voulait créer un réseau interne pour lutter contre le sexisme ordinaire : cela montre que les hommes s’interrogent sur leurs pratiques. Nous avons une culture d’entreprise assez forte, qui transmet, au fil des décennies, des réflexes ou des modes de pensée parfois inappropriés… A nous de voir comment nous pouvons changer cela."

Nous planchons sur un guide sur le sexisme, pour nommer les choses et donner des conseils
Anne-Sophie Béraud, AccorHotels

Anne Sophie Beraud, Diversité et inclusion au sein du groupe AccorHotel

> Quelles actions menez-vous ? "Nous avons travaillé autour de plusieurs événements : pour la journée internationale des droits des femmes, nous avons ainsi lancé un concours photo sur le sexisme dans tous nos hôtels, pour que chacun puisse s’exprimer sur le sujet. En parallèle, nous avons mis en place des groupes de travail opérationnels pour co-construire un guide sur le sexisme. L’idée est de nommer les choses, écrire noir sur blanc ce que dit la loi. Mais aussi de donner des conseils : comment réagir, comme collaborateur ou comme manager ? Nous le diffuserons au niveau des sièges et des hôtels."


Sibylle LAURENT

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