ENTRETIEN CROISÉ – En matière d’inégalités de rémunération hommes-femmes, une étape est décisive : la négociation. Un sondage OpinionWay pour la Chaire RSE d'Audencia et KPMG éclaire sur des différences de comportements entre les femmes et les hommes. Décryptage.
Vous l’avez peut-être parfois constaté : à poste égal, vous n’avez pas forcément la même rémunération que votre collègue. Et il y a de fortes chances que la différence se soit jouée au moment de la négociation. Car nous ne sommes pas tous égaux devant cette étape décisive. Et encore moins les femmes.
C’est ce que montre un sondage OpinionWay pour la Chaire RSE d'Audencia et KPMG, publié jeudi dernier : beaucoup de salariés n'osent pas négocier, alors que cette étape est pourtant déterminante pour la carrière. Et les femmes seraient particulièrement peu en confiance. André Sobczak, titulaire de la chaire RSE au sein d’Audencia business school et François Bloch, directeur général de KPMG France, nous expliquent.
La négociation, le début de toutes les inégalités ?
LCI : Votre étude montre que l'un des principaux leviers des inégalités salariales repose sur la négociation...
André Sobczak (Audencia) : La négociation salariale est une étape décisive en matières de rémunération et d'avancement de carrière professionnelle. Mais nous avons constaté que seul un tiers (38%) des salariés ont effectivement négocié dès le premier emploi, et seuls 42% au cours de leur carrière pour obtenir davantage de responsabilités et 58% pour augmenter leur salaire. Nous nous sommes interrogés sur ce décalage. Et nous avons découvert qu’il y a derrière cela un manque de confiance, le fait de ne pas oser, et qu’il est bien plus fort chez les femmes que chez les hommes. Beaucoup d’entre elles considèrent que leur manager va reconnaître spontanément toutes leurs qualités et compétences, et leur proposer de progresser dans l’entreprise. 49% des femmes n'osent pas, ne se sentent pas en confiance pour bien pouvoir négocier une augmentation de rémunération, contre 37% chez les hommes. Et ce, dès la première embauche. Ce sont des éléments forts.
Les entreprises doivent tout faire pour créer un climat positif, permettre aux femmes d’avoir confiance en elles
André Sobczak, titulaire de la Chaire RSE au sein d'Audencia business school
Cette analyse n’est-elle pas une manière de renvoyer la responsabilité des inégalités salariales aux femmes, alors qu’existent aussi des explications d’ordre systémique ?
André Sobczak : Il y a évidemment, et surtout, des causes systémiques, contextuelles. D'un côté, il faut donc travailler sur l’accompagnement individuel des femmes, ce que nous avons mis en place avec une formation destinée aux femmes pour apprendre à négocier ; et de l'autre côté, les entreprises doivent tout faire pour créer un climat positif permettant aux femmes d’avoir confiance en elles. Par exemple, le groupe Sodexo a eu comme démarche d’afficher à tous les niveaux, de la direction générale au management, l’égalité entre femmes et hommes comme priorité, mais aussi comme facteur de performance. Ils ont ainsi montré, chiffres à l'appui, que les équipes mixtes, avec au moins 40% de chaque sexe représenté, ont une meilleure rentabilité.
François Bloch (KPMG) : Il existe encore des freins venus de l'éducation, de représentations encore très masculines en entreprise. Par exemple, la parentalité est souvent perçue chez les femmes comme une entrave à l'évolution de carrière (pour 44% d'entre elles, contre 21% des hommes). Chez KPMG, nous voulons que la maternité soit avant tout vécue comme un heureux évènement. Nous avons ainsi mis en place des ateliers "jeunes et futurs parents". Nous nous assurons aussi de faire le point avec la personne avant son départ en congé maternité, afin de lui garantir de retrouver ses dossiers lorsqu'elle reviendra. A leur retour, les femmes ont aussi la possibilité de recourir pendant un an à trois jours de télétravail par semaine. Plus généralement, nous avons également mis en place du "flexible working", ou encore le droit à la déconnexion.
Apprendre à négocier
Avec votre formation à la négociation, vous montrez que négocier s'apprend. Quelques conseils en la matière ?
André Sobczak : Le premier est de bien préparer la négociation. Comme beaucoup de femmes pensent que l’entreprise va reconnaître automatiquement leurs compétences ou réussites, elles viennent souvent sans s'être bien préparées. On le voit dans nos mises en situation : elles restent assez vagues, parlent de leur équipe dans leur ensemble, plutôt qu’uniquement d’elles. Au contraire, c’est très important d’avoir tous les arguments et notamment quantitatifs, d'avancer des chiffres sur les performances passées. Donc : préparer.
Il faut, aussi, choisir le bon moment. Et prévenir l’interlocuteur qu’on veut parler d’une évolution de la carrière ou de la rémunération, pour que l’autre aussi puisse se préparer. Ne pas hésiter, ensuite, à faire un "benchmark" : beaucoup de sites permettent d’estimer les rémunérations correspondant à son niveau, son territoire géographique, son type de métier, pour avoir des arguments factuels. Enfin, bien retenir qu'il ne faut pas donner tout de suite un chiffre. Le premier qui dit un chiffre a déjà perdu, car cela permet à l’autre personne de se situer. Enfin, prendre conscience qu'on n'est pas mal vu à vouloir demander quelque chose qui est légitime !

Les femmes participent moins que les hommes à des formations continues, un levier de carrière pourtant essentiel
André Sobczak, titulaire de la Chaire RSE au sein d'Audencia business school
Plus généralement, quelles mesures marchent dans les entreprises ?
André Sobczak : Aujourd'hui, dans les grandes entreprises au moins, l’index de l’égalité professionnelle a permis de travailler sur les discriminations les plus évidentes au niveau du salaire. Par exemple, vous revenez de congé maternité, et vous êtes augmentée en fonction de la moyenne de l’entreprise. Par contre, le levier de la formation continue a été très peu travaillé. C'est pourtant essentiel : aujourd'hui, les formations initiales sont dépassées au bout de 5 ans, il faut continuer à se former de façon régulière. Or, on le constate, les femmes participent moins que les hommes à ces formations continues. Peut-être que les hommes ont plus conscience de leur importance, ou qu’il est plus facile pour eux d’aller en formation car ils sont moins impliqués dans la gestion familiale. Mais à un moment, si vous faites moins de formations, vous avez aussi moins d’opportunités de progresser, et vous vous faites aussi moins confiance pour progresser. Il faut donc peut-être, côté académique, réfléchir à des formats différents, compatibles avec une vie privée et vie pro.
François Bloch : L'Index de l'égalité salariale, qui demande notamment d'avoir 4 femmes dans les 10 plus hautes rémunérations, permet de se rendre compte que l'une des choses les plus compliquées est de hisser les femmes au "top niveau". Chez nous, nous embauchons plus de 50% de femmes, nous en avons plus de 40% dans le management groupe, avec des postes à responsabilité. Il y a encore du chemin à faire pour les postes d'associées, et cela prend du temps notamment car nous nommons annuellement environ une trentaine d'associées sur un total de 400. Mais nous le constatons : avoir en responsabilité des femmes ou des personnes d'autres origines, a un vrai impact positif sur le turn-over, l’esprit d’équipe et ne peut qu’améliorer la performance, l’innovation, le leadership.
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