#PerriScope n° 13 - Plan de relance : La France et l'Allemagne choisissent des voies très différentes

Pascal Perri, économiste
Publié le 27 avril 2020 à 12h04
#PerriScope n° 13 - Plan de relance : La France et l'Allemagne choisissent des voies très différentes
Source : LCI

STRATÉGIE - De chaque côté du Rhin, des milliards d'euros sont déployés pour venir en aide aux économies nationales. Pascal Perri, économiste, analyse cependant les stratégies très différentes des deux pays. Laquelle sera gagnante ?

Demain mardi, nous attaquerons la 7eme semaine de confinement. Ce mardi 28 avril 2020, nous aurons traversé 6 semaines de mise en sommeil de l’activité du pays. Ces derniers jours, l’Etat a complété son dispositif de soutien à l’économie. La valse des milliards se poursuit sous les yeux des Français dont une partie pensait naïvement que "l’argent magique" n‘existait pas ! Que ces Français se rassurent ! Les dizaines de milliards empruntés (un peu plus de 300 en 2020 !) n’ont rien de magiques, le monde regorge de liquidités et la signature française reste solide aux yeux des prêteurs. Encore faudra t-il montrer des intentions de bonne gestion dans les années qui viennent. La communauté financière nous permet d’acheter du temps  mais elle attendra des réformes. La France ne pourra pas éternellement dépenser beaucoup plus qu’elle n’encaisse. Le cas de nos voisins allemands devrait ici nous inspirer. L’Allemagne n’est pas un pays low cost mais une grande démocratie sociale et un modèle économique respectable. L’Allemagne dégage des excédents budgétaires qui sont utiles en période de crise notamment pour financer les besoins en fonds de roulement des entreprises (Le BFR exprime les besoins de financement de l’activité avant perception de la recette de vente).

La France et l’Allemagne ont pris des trajectoires sensiblement différentes au cours de la période écoulée. Au premier regard, la France a beaucoup soutenu les entreprises. Il faut cependant distinguer ce qui est avancé et ce qui est donné.

 

- 7 milliards d’euros de prêts pour Air France (4 milliards prêtés par un Pool bancaire avec  garantie de l’Etat et 3 directement prêtés par l’Etat) ;

- Garantie d’Etat sur un prêt de 5 milliards pour Renault ;

- Un fonds de soutien aux PME et ETI (Entreprises de taille intermédiaire) ;

- des aides de trésorerie pour les TPE et les indépendants ;

- Un moratoire sur les cotisations sociales et les engagements fiscaux des entreprises dont l’activité a été interrompue ou ralentie.

On ne sait à ce jour quelle sera la part réelle des abandons de créances. Toutefois, observons que l’essentiel des mesures retenues s’adosse à une stratégie de prêts. Or, un prêt a vocation à être remboursé. 

Le coût définitif le plus élevé est en réalité celui du chômage partiel. Nous en sommes à un peu plus de 25 Milliards d’euros en France, réputés définitivement dépensés. Comparons les choix allemand et français. 

- La France consent une aide de 7 milliards d'euros au profit des TPE et des indépendants qui constituent une part importante du tissus industriel français. L’Allemagne y consacre… 50 milliards ! 

La France a investi 25 milliards dans le chômage partiel, l’Allemagne 10. En France, les cotisations chômage sont intégralement financées par les employeurs. La charge des 25 milliards revient à l’Etat (aux contribuables) pour les deux tiers, à l’Assurance chômage pour le tiers restant. 

Aide massive aux entreprises contre aide massive aux revenus des ménages

Les choix français et allemands sont significatifs mais asymétriques. Aide massive aux entreprises et aux entrepreneurs en Allemagne (politique de l’offre), aide massive aux revenus des ménages en France (Politique de soutien à la demande). Le résultat en est d’ailleurs que le stock d’épargne explose de ce coté du Rhin depuis le début du confinement comme nous l’évoquions dans un #PerriScope précédent. Les dispositifs de chômage partiel sont complétés par une enveloppe de 39 millions d’aide aux familles modestes, durement impactées par les conséquences du confinement comme le maintien à domicile des enfants et ce matin sur LCI, Valérie Pécresse, président de la Région Ile-de-France annonçait que 120 000 familles franciliennes recevraient un chèque de 60 euros (notamment les familles d’enfants boursiers). 

Chacune des grandes économies européennes est conforme à ses principes et à ses choix historiques. En France, un Etat super providence, payeur en dernier recours des créances salariales, en Allemagne, un Etat stratège, défenseur du Made in Germany, prêt à relancer la production pour repartir à la conquête des marchés assoupis. Chacune de ces politiques a ses forces et ses faiblesses. La France compte sur son marché intérieur plus que sur ses exportations qui sont le point fort allemand. Le rythme de redémarrage des échanges internationaux dira lequel de ces deux choix était le plus judicieux. 


Pascal Perri, économiste

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