RETOUR AU TRAVAIL - Dans les entreprises, les directions sonnent l'heure de la reprise. Sauf qu'il n'est pas toujours facile de remobiliser des salariés qui, les deux derniers mois, ont construit un nouvel équilibre de travail.
"Revenir, mais pour quoi faire ?" Le ton de Marie, salariée est boudeur. Son groupe de communication vient de lui annoncer qu’il souhaitait faire revenir les salariés au bureau un ou deux jours par semaine en juin. Et Marie, Parisienne expatriée à Fontainebleau, en Seine-et-Marne, avec ses trois enfants, n’a pas spécialement envie de revenir, ou en tout cas pas tout de suite. Ici elle a de l'espace, et a trouvé son équilibre avec son compagnon et les enfants. Elle travaille bien, ne comprend pas l'intérêt de revenir dans sa tour de bureaux.
C’est un fait. Alors que sonne l’heure de la reprise, que les directions sont sur le pont, le pied sur l'accélérateur, en face, les salariés ne sont pas toujours aussi mobilisés pour revenir au bureau. Les RH et managers le constatent d'une manière ou d’une autre : ils ne sont pas nécessairement sur la même longueur d’onde que leurs salariés.
Qu'est-ce que mon employeur prévoit de faire dans tout cela ?
Laurent Termignon, du cabinet Willis Towers Watson
"Pour certains de nos métiers, comme les laborantins, le télétravail est impossible", confie ainsi Valérie, RH dans une entreprise pharmaceutique. "Avec le déconfinement, nous leur demandons progressivement de revenir mais c’est compliqué. Certains ne veulent pas. Pour différentes raisons d’ailleurs : soit par peur du virus, soit parce que leurs enfants ne retournent pas tous les jours à l’école et qu’ils n’ont pas de solution de garde. Pour le moment, on ne force pas mais ça ne peut pas durer comme ça jusqu’à la rentrée." Même son de cloche chez Martin, RH dans une entreprise de textile. Pendant le confinement, quelques collaborateurs sont partis en province se mettre au vert en famille. L’organisation s’est adaptée. "Nous avons dû envoyer des coupons de tissu par DHL sur leur lieu de résidence pour qu’ils valident ou non", explique Martin. "C’était nécessaire mais cela a un coût. Maintenant, ce serait plus simple s’ils rentraient. Eux, en revanche, ne sont pas très motivés."
Les raisons sont diverses, inquiétudes pour la santé, problème de gardes d’enfants, ou simplement découverte d’une nouvelle manière de travailler et pas envie de revenir en arrière… Comment faire revenir les collaborateurs ? Pour Laurent Termignon, directeur de l’activité talent & rewards chez Willis Towers Watson, cette question est le grand enjeu du moment. "Les choses bougent, et les salariés se posent des questions : qu’est-ce que mon employeur prévoit de faire dans tout cela ? Ils attendent des réponses concrètes et immédiates de la direction d'entreprise", estime le consultant.
Les entreprises ont du mal à articuler une réponse claire
Laurent Termignon, du cabinet Willis Towers Watson
Car nombre de salariés ont passé plus de deux mois chez eux, pour certains quasiment trois et "n’ont pas une lecture extrêmement claire de la manière dont les choses vont se remettre en marche à partir de la semaine prochaine ou de la semaine qui suit", détaille le consultant. Ce sont aussi beaucoup de nouvelles attentes qui se sont éveillées : "Sur leurs conditions de travail, leur environnement, les questions de télétravail, est-ce que cela va prendre plus ou moins d’importance… Ils ont bien perçu aussi que des jobs pourront être fait à distance et qu’il y a d’autres manières de travailler. C’est sur ces points que les directions d’entreprise sont très attendues.."
Sauf qu’en face, c'est parfois le grand flou. Si certaines entreprises ont fait des déclarations très claires, comme par exemple Twitter, qui a laissé entendre que le télétravail serait fortement encouragé pour les salariés partout dans le monde, Laurent Termignon constate que c'est loin d'être la norme : "Ce que nous voyons au quotidien, c’est que les entreprises ont du mal à articuler une réponse claire, car l'environnement bouge beaucoup, parce que les enseignements de cette période de confinement n’ont pas été complètement tirés, ce qui veut dire que les employeurs ont une lecture assez vague de la manière dont ce télétravail subi a été vécu par les salariés, et ont du mal à positionner le curseur pour la suite", analyse-t-il.
Car derrière chaque décision, beaucoup d'implications : "Est-ce qu’on va rester sur un ou deux jours en télétravail, comme c’était le cas pour 10-15% des entreprises, est-ce que l’on va passer à quelque chose de beaucoup plus significatif que ce qu’on a vécu pendant la période de confinement ? Et si on encourage davantage le télétravail, qu’est-ce que cela implique ? Est-ce que cela veut dire que l’employeur aura la responsabilité petit à petit, de financer un fauteuil plus confortable et un deuxième écran ? Il y a beaucoup d’interrogations."
Nous encourageons très fortement nos clients à mettre en place un questionnaire auprès des salariés, ne serait-ce que pour amorcer une bonne dynamique.
Laurent Termignon, du cabinet Willis Towers Watson
Ces points d'interrogations, la manière de gérer la crise ont pu jouer, aussi, sur la défiance des salariés. Laurent Termignon analyse : "Il y a quelque chose d’extraordinaire par rapport à ça, c’est qu'il y a des entreprises où le management a beaucoup encouragé les salariés, les a félicités dans cette période de confinement, sur le thème de 'un grand merci, vous nous avez permis de tenir la boutique, ce que vous avez fait était formidable, on n’imaginait pas à quel point vous étiez résilients et vous pouviez continuer à vous impliquer en étant chez vous'", raconte le consultant. "Des dirigeants se sont exprimés de manière très directe, constructive et transparente là-dessus. Et puis, curieusement, certaines entreprises ont fait un peu machine arrière sur ce sujet, en disant 'écoutez, maintenant le confinement est terminé ou sur le point d’être terminé, vous revenez au bureau'. Les salariés ne comprennent plus. On leur dit d’un côté ‘vous étiez chez vous, vous avez fait du bon boulot bravo’, et puis ‘maintenant vous revenez au boulot’… la cohérence dans la communication n'est pas évidente."
Plusieurs options sont sur la table : revenir à la situation d'avant, renverser la table et supprimer tous les bureaux comme le font certaines entreprises ou bien adapter. Parfois aussi, les projections sont différentes : les directions ont vu que le télétravail était efficace, veulent chambouler l’organisation, alors qu’en face des salariés ont très mal vécu le moment.
Pour repartir sur des bases saines, Laurent Termignon conseille : "Nous encourageons très fortement nos clients à mettre en place un questionnaire auprès des salariés, ne serait-ce que pour amorcer une bonne dynamique, mieux cerner la façon dont chacun a vécu cela, et mieux cerner les attentes pour la suite", estime-t-il. "Si 90% des salariés disent nous on est très content, si l’entreprise peut continuer à gérer son business avec deux ou trois jours par semaine, et à l’inverse si cela coince pour des raisons de présence, cela implique d’apporter des éléments de réponse, soit pour que les gens puissent venir s’organiser de manière plus efficace à distance, ou soit d’apporter des éléments d’argumentation auprès des salariés pour les inciter à revenir un peu plus spontanément sur leur lieu de travail. Sonder c’est indispensable."
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