BONUS/MALUS - Dans une étude publiée cette semaine, deux chercheurs de la Banque de France tentent d'estimer les impacts économiques d'un télétravail passé à la vitesse supérieure. Des effets nombreux, et parfois inattendus.
Au fur et à mesure que le télétravail sort de sa seule vertu de mesure d'urgence, et de continuité de l'activité d'entreprises que l'épidémie de Covid-19 aurait pu mettre à l'arrêt, on commence à distinguer ses conséquences pour l'économie, celle des entreprises, mais aussi l'économie tout court. Et c'est bien ce que les économistes de la Banque de France ont voulu commencer à quantifier.
Car forcément, moins de personnes dans les transports, des quartiers de bureaux moins fréquentés, plus de temps passé chez soi aussi, tout cela n'est pas sans conséquences, que les auteurs de l'étude jugent "significatives", même si l'on ne fait que commencer à les ressentir.
Une équation (potentiellement) gagnante-gagnante
Première constatation de cette "Macro-économie du télétravail" qui tient en un rapport de neuf pages, un impact probable et massif sur l'immobilier d'entreprise. Chaque jour de la semaine télétravaillé, c'est 20% de personnes en moins dans les murs, et autant de mètres carrés de bureaux dont on pourrait se passer. Une arithmétique pas si évidente dans la réalité, mais toutes les entreprises, grandes et petites, qui ont aujourd'hui recours à un télétravail, quelle que soit sa proportion, se posent la question de leurs mètres carrés de bureaux, à la baisse. De bureaux dont la part dans les dépenses de l'entreprise allait croissante depuis une vingtaine d'années, jusqu'à atteindre 15% de la masse salariale.
Le rapport relève en outre des études selon lesquelles les nouvelles recrues seraient prêtes à renoncer en moyenne à 8% de leur salaire, en échange de la possibilité de travailler chez eux, y voyant un gain notable en qualité de vie, surtout si l'arrangement leur permet de s'éloigner de leur lieu de travail et du cœur des villes. Un marché gagnant-gagnant qui, conjugué avec la baisse du coût des bureaux, pourrait donner un coup de fouet presque automatique à la productivité des entreprises. Avec en bonus davantage de flexibilité pour embaucher des collaborateurs dans des entreprises qui ne seraient plus contraintes par la surface de leurs bureaux.
Autre effet économique, dans la colonne "dépenses" cette fois, le coût déporté de l'environnement de travail du salarié. Pour maintenir la productivité, passé l'état d'urgence sanitaire, les entreprises vont devoir prendre à leur charge tout ou partie du poste de travail de leurs employés, mais cette fois à leur domicile. Certaines aux États-Unis - telles Google, entre autres - ont choisi de verser une prime forfaitaire d'un millier d'euros environ à tous leurs salariés, pour financer l'achat d'un vrai bureau, d'un fauteuil confortable, et d'accessoires pour être mieux installés. D'autres ont ouvert des catalogues en ligne dans lesquels chaque salarié peut venir choisir l'équipement de son choix, livré chez lui.
Surtout, reste aussi à déterminer quelle part l'entreprise prendra des frais induits par le déplacement même partiel du poste de travail au domicile du salarié, que ce soit pour l'énergie, le chauffage, etc. Une part qui dépendra "du pouvoir de négociation des salariés et de la part d'économies réalisées par l'entreprise", qu'elle pourrait donc devoir partager. Mis bout à bout, c'est un coût réel, qui peut doubler la mise dans les entreprises qui maintiendraient également des bureaux dédiés à chaque collaborateur pour les jours où il vient travailler dans les murs de l'entreprise, même si les bureaux "à la demande" devraient devenir la norme partout où le télétravail rentre dans les habitudes.
L'inconnue de la créativité
Restent des questions plus managériales, mais qui pourraient avoir des effets bien réels sur certains actifs immatériels de l'entreprise, sa créativité, sa capacité d'innovation également. En entraînant moins de mélange avec les autres employés de l'entreprise, surtout en dehors de son propre service ou de son métier, le télétravail pourrait compromettre certaines avancées nées du hasard des rencontres ou des conversations autour de la machine à café. Des interactions difficiles à quantifier, qu'il faudra tenter de recréer virtuellement en multipliant les chances de se rencontrer au travers de modes de connexion moins formels qu'une réunion de service en visioconférence, et laisser sa chance à la sérendipité.
Dans la même veine, les auteurs du rapport de la Banque de France soulèvent ce qu'ils appellent "un gros point d'interrogation", celui des effets d'un télétravail régulier sur la productivité à long terme des entreprises. Ici, les données manquent, la question a été jusque-là peu étudiée, tant " le télétravail correspond à des situations où l’employeur et les salariés trouvent un gain mutuel potentiel."
Reste aussi ce bémol que le rapport n'aborde pas, à savoir les effets macro-économiques de la désaffection des bureaux sur toutes les entreprises qui gravitent autour : nettoyage, gardiennage, restauration, transports de personnes, voyages d'affaires, formation, événementiel, et bien d'autres. Le télétravail ne fait pas que des gagnants, et cette mutation-là ne se fera pas sans douleur.
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