Souffrez-vous du "syndrome de l'imposteur", le sentiment d'être illégitime dans votre travail ?

par Léa BONS
Publié le 4 septembre 2018 à 17h59, mis à jour le 10 septembre 2018 à 15h13
Souffrez-vous du "syndrome de l'imposteur", le sentiment d'être illégitime dans votre travail ?
Source : PIXABAY

ANGOISSE - Vous avez l'impression d'avoir usurpé votre place au travail ? 60 à 70% des personnes douteraient, à un moment ou à un autre de leur carrière, de la réalité ou de la légitimité de leur rôle. Ce phénomène a un nom : le syndrome de l'imposteur.

Au bureau, il vous arrive parfois de douter de vos compétences, d'avoir la sensation de n'être pas légitime, et de vivre dans la peur d'être "démasqué" ? Vous souffrez peut-être du syndrome de l'imposteur, également appelé syndrome de l'autodidacte. Le terme a été inventé et décrit pour la première fois en 1978 par deux psychologues cliniciennes, Pauline Rose Clance et Suzanne Imes. Dans l'idée, vous rejetez systématiquement le mérite lié à votre travail. Vous attribuez votre succès à la chance, à des circonstances particulières, à vos relations... Bref, vous ne vous sentez pas à votre place, et votre succès ne vous paraît pas justifié. 

En définitive, vous évoluez dans une chimère presque masochiste donnant lieu à des pensées négatives, qui peuvent paralyser vos compétences. Selon les deux chercheuses, 60 à 70% des personnes seraient touchées par ce phénomène au cours de leur carrière. Un malaise qui concerne "le plus souvent les jeunes en début de carrière qui, après avoir enchaîné les stages et eu des difficultés à trouver du travail, ont peur de ne pas savoir faire ce pourquoi on les emploie, alors qu'ils le savent en fait très bien", nous explique Emma Levillair, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Paris. Les personnes en pleine reconversion sont concernées de la même manière. Les femmes, qui subissent une pression supplémentaire due aux discriminations qui entourent le monde du travail, sont également davantage impactées par ce phénomène, souligne notre spécialiste : "Quand une femme finit par avoir un poste élevé hiérarchiquement et un salaire égal à celui d'un homme, elle a l'impression de devoir en faire plus pour excuser en quelque sorte son statut".

L'auto-sabotage

Quelles sont les principales conséquences ? Les individus affectés par ce sentiment d'imposture sont dans un procédé "d'auto-destruction" de leurs performances. Ils ont peur de réussir" et les responsabilités qui leur sont données les angoissent. Ils entrent alors dans un système d'auto-sabotage. "À force d'avoir peur de réussir, les victimes de ce syndrome n'utilisent pas pleinement leur potentiel et ne cherchent pas à aller plus loin pour trouver des raisons à leur déconvenue", développe Emma Levillair. On parle alors de la stratégie "d'underdoing", l'individu ne maximise pas ses capacités pour se protéger en cas d'échec, alors qu'il aurait pu réussir s'il s'y était attelé davantage. A contrario, en cas de "gloire", il attribuera son succès à la chance et restera dans l'angoisse d'avoir usurpé son poste. 

Comment s'en défaire ?

Mais comment se débarrasser de ce syndrome ? Première solution : attendre qu'il passe tout seul. Comme l'affirme Emma Levillair, c'est "le temps, la preuve par la réalité qui va rassurer l'individu". En effet, la plupart du temps, cette phase d'angoisse de la performance ne dure qu'environ 6 mois. C'est le temps qu'il faut au salarié pour faire ses preuves : la période d'essai passée" ou "l'obtention d'un contrat" vont le soulager. "Je ne me suis pas fait virer donc d'une certaine manière,on est content de moi, je suis légitime à mon poste", illustre notre psychothérapeute. 

Deuxième solution : la "clairvoyance". En d'autres mots "faire un pas de côté" pour rationaliser. Cela consiste à "prendre du recul et à aller chercher l'apaisement auprès de ses proches ou de personnes qui ont eu un impact dans votre carrière", indique Emma Levillair. Vous pouvez vous adresser à vos amis, vos collègues, vos anciens tuteurs de stages ou professeurs pour calmer vos doutes. "Couramment, on a besoin de cette aide extérieure qui va nous permettre d'obtenir des conseils, des ajustements par rapport à ce qu'on est capable ou pas capable de faire". 

Un sentiment très courant

Vous vous sentez concerné ? Dites-vous que le syndrome de l'imposteur n'est pas une maladie. Pour Emma Levillair, "nous y sommes tous confrontés dans notre carrière et c'est quelque chose qui a toujours existé, même si le terme existe depuis seulement 40 ans". Il s'agit finalement d'un sentiment tout à fait commun. Et si un syndrome est considéré comme un ensemble de plusieurs symptômes ou signes en rapport avec un état pathologique donné, les chercheuses Pauline Rose Clance et Suzanne Ies, à l'origine du concept, ont ensuite regretté d'avoir utilisé cette formule. Elles ont préféré employer le terme "d'expérience", étant donné que près de 70% de la population serait passée par là. "Néanmoins, on en parle de plus en plus en 2018 car c'est symptomatique de notre société, de l'environnement, de la pression exercée sur les salariés, de l'inquiétude de trouver tout simplement un travail ou d'obtenir un contrat", poursuit Emma Levillair. 

A noter que ce syndrome peut s'exprimer en dehors du cadre de l'entreprise, puisqu'il s'appuie sur le complexe de la performance, de la peur de la "première fois" d'une certaine façon. Nous pouvons donc nous sentir dans une position d'imposture aussi bien dans une relation amoureuse que lorsqu'on est, par exemple, une jeune maman. La différence c'est que, dans ces cas-là, la bienveillance est de rigueur et que les proches peuvent nous apporter leur aide. Dans l'entreprise, où le doute n'a pas réellement sa place, la peur de se sentir illégitime est beaucoup plus présente.


Léa BONS

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