Le harcèlement au travail n’est pas considéré de la même manière selon la juridiction

par Geoffrey LOPES avec AFP
Publié le 9 février 2023 à 7h30

Source : Sujet TF1 Info

En correctionnelle ou aux prud'hommes, les juges interprètent le harcèlement moral différemment.
Un patron innocenté pénalement peut être condamné par les prud'hommes pour les mêmes faits.

Plus d’un salarié sur trois a déjà été victime de harcèlement au travail, d’après un baromètre Ipsos publié en 2022. 74 % des salariés considèrent comme répandues ces situations de harcèlement. Le harcèlement moral, plus diffus, reste difficile à prouver. Il se manifeste par des écrits, des paroles ou des injonctions répétés. Ces agissements peuvent entraîner, pour la personne qui les subit, une dégradation de ses conditions de travail. Or, la justice se déchire parfois pour l’interpréter comme l’illustre l’affaire suivante.

Un dirigeant se voit poursuivre pénalement après avoir sanctionné un salarié pour refus d'exécution de certaines tâches. Innocenté, il se croit à l'abri d'une condamnation aux prud'hommes. Son salarié conteste la sanction prononcée à la suite de ces désaccords sur le travail. Il affirme les avoir ressentis comme du harcèlement. Devant les prud'hommes, le dirigeant assure que les décisions pénales définitives "ont une autorité absolue à l'égard de tous". Mais contrairement aux prud'hommes, le tribunal correctionnel n’a pas à juger si les exigences du dirigeant correspondent aux obligations du salarié et si sa sanction est légitime. De leur côté, les prud'hommes doivent chercher si les méthodes de management sont appropriées.

Deux manières différentes de juger

La Cour de cassation ne dit pas autre chose : "Les éléments nécessaires à l'appréciation de ces deux juridictions, pour évaluer l'existence d'un harcèlement, sont différents. Le juge correctionnel, qui peut prononcer une peine, doit vérifier que le délit a été matériellement commis, avec l'intention de le commettre, alors que le juge prud'homal n'a pas besoin de constater cette intention pour conclure qu'il y a eu un harcèlement."

Dans une autre affaire, la Cour de cassation assurait que le harcèlement existe dans le monde du travail lorsqu'il est ressenti comme tel par un salarié, à tort ou à raison, en mettant en danger sa santé ou menace son avenir professionnel, même si le dirigeant n'a eu aucune intention d'arriver à ces résultats.

En résumé, devant le juge pénal, l'existence du harcèlement s'apprécie au vu des intentions du dirigeant alors que devant les prud'hommes, elle s'apprécie au vu du ressenti du salarié, rappelle cet arrêt. La Cour de cassation a donc donné tort au dirigeant.


Geoffrey LOPES avec AFP

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