PRUD’HOMMES - Le Conseil des Prud’hommes de Paris se penchait ce mardi sur l’histoire de Guillaume Delmas, salarié chez Publicis et rescapé des attentats du Bataclan. En 2018, un exercice attentat organisé par son entreprise, mettant en scène un faux terroriste, avait rouvert la plaie.
Un cadre commercial licencié pour ne pas avoir atteint ses objectifs. Le directeur d’un supermarché renvoyé pour fautes. Un salarié multipliant les CDD qui demande une requalification en CDI… Conseil des Prud’hommes de Paris, ce mardi, 13 heures. Les affaires se succèdent dans l’enceinte de la 6e chambre. Des salariés venus souvent, accompagnés de leurs avocats, contester un licenciement. Des employeurs, eux, souvent absents mais également représentés par leur conseil.
Il y a une affaire où toutes les parties sont présentes : celle de Guillaume Delmas. Il est là, l’œil cerné, concerné, stressé. Sur le banc derrière lui, sa compagne, son fils, quelques soutiens. Des journalistes aussi. Lui attend, parfois tendu en avant. Puis se lève, sort, fait les 100 pas, revient. Fébrile, sans doute.
La Kalachnikov était fausse, mais il ne le savait pas
Les médias se sont fait l’écho ces derniers jours de l’histoire de cet homme de 49 ans. Guillaume Delmas est un rescapé du Bataclan. Il attaque aujourd’hui son employeur, la société WAM (World advertising movies) et son groupe, Publicis, dont il est salarié depuis plus de 8 ans, pour avoir organisé, en 2018, sans l’avoir prévenu, un exercice attentat pour le moins réaliste. En juin 2018 en effet, alors que Guillaume rejoint son bureau, il tombe sur un terroriste, une Kalachnikov entre les mains.
Tout est faux, mais il ne le sait pas. Le choc est violent. Un mois après, Guillaume Delmas est en arrêt maladie. Il sera, en 2019, requalifié en accident du travail. Il va mal, est sous anti-dépresseurs. Pour lui, cet exercice de sécurité a fait resurgir des traumatismes et des peurs qu’il avait essayés de colmater. Il essayait de se réparer, pas à pas, et voilà la plaie rouverte, béante.
Pour lui, l’employeur était d’autant plus fautif que plusieurs salariés de l’entreprise étaient présents au concert du Bataclan. Deux d’entre eux sont morts là-bas, et d’après des propos tenus par Guillaume Delmas dans une interview à France Info, "deux ou trois autres ont arrêté de travaillé" après le drame. Une situation dont le groupe aurait donc dû avoir conscience selon lui. Devant les Prud’hommes, son avocate, Me Stéphanie Lamy, entend s’appuyer notamment sur un article du code du travail (L.4121-1) qui dit que "l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs".
Les explications publiques n’auront pas lieu
La société a-t-elle voulu trop bien faire avec cet exercice attentat trop réaliste ? A-t-elle oublié l’histoire de ce salarié qui aurait juste voulu être au préalable informé ? Les réponses viendront peut-être à l’audience : Publicis, qui jusque-là s’était refusé à tout commentaire, est bien présent aujourd’hui, via son avocate et deux représentantes du groupe.
Sauf que. Voici le tour de "l'affaire Delmas". Et le président de séance demande : "Mais n’y avait-il pas une demande de rapprochement ?" Les deux avocates se regardent, se parlent, le ton monte vite. Et pourtant c’est cela : oui, il y a procédure de conciliation. Le président fait sortir la salle. La famille, les journalistes passent donc dans le couloir. Contraints de comprendre l’histoire via le ballet qui se noue autour de ce huis clos. La porte qui s’ouvre, c’est l’avocate de Publicis qui sort passer des coups de fil, qui revient, qui ressort avec l’avocate de Guillaume Delmas pour partir en conciliabule dans un coin, puis revenir dans la salle d’audience, ressortir. C’est ensuite Guillaume Delmas qui sort, prend sa compagne, l’entraîne dans un coin, revient.
Le retour au travail comme reconstruction
Dans le couloir, avec les journalistes et la famille, attend aussi Arthur Dénouveaux, président de l’association "Life for Paris", qui regroupe les rescapés du 13 novembre. Guillaume en est membre, et l’association est venue le soutenir dans sa démarche. Arthur Dénouveaux était venu rappeler, devant le tribunal, l’importance du retour au travail dans une reconstruction personnelle. Il n’aura pas l’occasion de le dire au juge, mais nous l’explique en aparté : "La vie professionnelle est un des facteurs qui permet de se réinsérer". Dans le cas précis de Guillaume, il pointe des problématiques de prévention et d’accompagnement du risque terroriste en France. Il prend ainsi l'exemple d’enseignants victimes d’attentat ne voulant pas participer aux exercices dans les collèges ou lycée. "Dans tous les cas, c’est un exercice de dialogue qu’il faut mener. Mettre un faux terroriste dans des locaux, c’est exactement l’inverse de ce qu’il faut faire. C’est anxiogène, ça n’apprend rien à personne, ce n’est pas sérieux".
"Les gens, après un attentat, ont besoin de se réinventer une vie, un destin, poursuit-il. Généralement, on se bat pour les aider à faire des transitions de carrière qui se passent bien. Dans l’histoire de Guillaume, c’est cela qui est triste : il s’était battu pour garder son travail, y était retourné dès le 25 novembre. Quand quelqu’un fait tout ce qu’il faut pour que son boulot soit un facteur de resocialisation, et que tout s'écroule comme ça, c’est très dur".
Devant la porte de la salle d’audience, le ballet des robes ralentit. Encore quelques coups de fil, des mains cachant bouche et combiné, quelques aller-retour. Et enfin, tout semble joué. Mais cet épilogue restera confidentiel. Me Stéphanie Lamy ressort pour le dire : "Il y a une clause de confidentialité". L’avocate glisse rapidement que l'affaire débouche sur une rupture conventionnelle. Sans doute avec des indemnités négociées. L’avocate laisse entendre que la médiatisation de l’histoire a aidé à l’emporter.
Guillaume Delmas a l’air rasséréné. L’œil qui sourit. Dès sa sortie, il prend sa compagne dans ses bras. La main de son fils. Une team, un clan. Pas de commentaire, juste quelques mots prononcés gentiment en passant : "Non, ça suffit…" La famille repart, soudée, vers son anonymat et son intimité. Une nouvelle vie semble commencer.
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