Un arrêt cardiaque après une relation sexuelle peut-il être considéré comme un accident du travail ?

Publié le 13 septembre 2019 à 17h01
Un arrêt cardiaque après une relation sexuelle peut-il être considéré comme un accident du travail ?
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JUSTICE - La Cour d’appel de Paris a eu à régler récemment une délicate question : l’arrêt cardiaque d’un salarié après avoir eu une relation sexuelle lors d'une mission de déplacement professionnel constitue-t-il un accident du travail?

C’est une avocate qui a déterré sur LinkedIn une histoire, certes un peu ancienne, mais assez insolite et intéressante pour qu’on y revienne. Et qui tourne autour d’une question : une crise cardiaque survenue pendant un rapport sexuel lors d'un déplacement professionnel peut-elle être considérée comme un accident du travail ? Et la justice française a récemment estimé que "oui", dans un arrêt rendu, le 17 mai dernier par la Cour d'appel de Paris.

Rembobinons. Courant février 2013, l'entreprise ferroviaire TSO, basée dans le centre-nord de la France, dépêche un technicien de sécurité pour un déplacement professionnel à Meung-sur-Loire, près d'Orléans.

Inconscient dans une chambre après une relation sexuelle

Le 22 février, TSO reçoit un appel de la gendarmerie, l’informant du décès de son salarié, nommé M. Xavier dans l’arrêt. L’enquête montre que l’homme est décédé d'une crise cardiaque le 21 février vers 22 heures "au domicile d'une femme qu'il avait rencontrée, après avoir eu une relation sexuelle avec elle". Quelques jours après, l’employeur complète une déclaration d’accident du travail, en reconnaissant que "(notre) salarié Xavier en situation de déplacement professionnel a été retrouvé inconscient dans sa chambre". 

La question est alors posée de savoir si cet accident relevait de la législation des accidents du travail ou non. Car un salarié a droit à la protection prévue par la Sécurité sociale "pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu importe que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante", rappelle la Cour. 

Bataille juridique

Pour l'assurance maladie, c'est oui : elle considère qu'"un acte sexuel relève des actes de la vie courante à l'instar de prendre une douche ou un repas". C'est donc la Caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut qui prend en charge le dossier. Mais la société TSO conteste cette décision, d’abord devant une commission de recours amiable puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux. Elle veut "se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès". Car pour elle,  le décès est notamment survenu "alors qu'il avait sciemment interrompu sa mission pour un motif uniquement dicté par son intérêt personnel" et que "le malaise cardiaque n’est pas imputable à son travail mais bien à l'acte sexuel qu'il a eu avec une parfaite inconnue".  

Mais la justice ne l'a pas entendu comme ça. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté TSO en 2016 et la Cour d'appel de Paris a donc soutenu les juges. Elle estime que l’employeur n’a pas démontré que M. Xavier avait interrompu sa mission pour des motifs personnels, en ne justifiant "pas d'un emploi du temps auquel aurait été tenu son salarié."

Vie privée et vie professionnelle : où est la frontière ?Source : JT 20h Semaine

Cet arrêt a donc été exhumé le 3 septembre dernier sur LinkedIn par Me Sarah Balluet, une avocate basée à Rouen. Elle considère le raisonnement de la Cour d’appel "assez surprenant" et en tout cas "inédit", notamment en ce qu'il pourrait faire jurisprudence et abaisser le seuil de ce qui peut être défini comme un accident du travail.

"Manifestement en l’espèce, dans la mesure où l’arrêt cardiaque s’était produit dans une situation sans lien avec l’activité professionnelle, cette solution est contestable", a-t-elle commenté sur LinkedIn. Elle explique ainsi à l’AFP : "À mon sens, en se livrant à ces rapports sexuels pendant sa mission, le salarié s'était soustrait à l'autorité de son employeur". Et pense que les employeurs vont désormais chercher à se protéger : "La question que je me pose et que les entreprises se posent maintenant est : est-ce qu'il faut expressément désormais interdire au salarié d'avoir des rapports sexuels pendant sa mission ?…"


La rédaction de TF1info

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