Un dessinateur franco-américain derrière la "Une" du New Yorker qui rend hommage aux livreurs

par Sibylle LAURENT
Publié le 7 avril 2020 à 18h08
Photo d'illustration, New-York, la nuit.
Photo d'illustration, New-York, la nuit. - Source : iStock

VU D'AILLEURS - Le dessinateur franco-américain Pascal Campion est derrière la "Une" du célèbre magazine américain cette semaine. Son dessin rend hommage aux travailleurs qui restent sur le front, dans des villes confinées devenues désertes.

Ce que l’on voit, d’abord, c’est une ville sous le brouillard. Ces univers que l'on retrouve dans les films de super héros, un New-York embrumé, désert, avec ces immenses immeubles, aux fenêtres allumées, de grande métropole silencieuse. Puis, en bas, un rayon de lumière. Et un homme, si petit. Un livreur, un coursier, dans cette ville endormie, qui sonne à une porte, pour venir livrer un paquet.

Depuis qu’elle a été révélée, la Une du New Yorker, journal américain, si esthétique, si poétique, fait le bonheur des internautes qui la font tourner.  Car même pour qui n’habite pas New-York, elle résume si bien la vie des métropoles, sous ces temps de confinement : des commerces fermés, des rues désertes, des rassemblements interdits… Seuls quelques-uns continuent à aller travailler, certains devenus essentiels, certains encore habituellement bien peu reconnus. Une manière de leur rendre hommage ? L'image s’appelle "Lifeline". Littéralement, on pourrait traduire par "ligne de vie", mais aussi "cordes de sécurité" Toute une métaphore.

Derrière ce dessin, l’illustrateur franco-américain Pascal Campion. Il explique, dans un entretien au New Yorker, que pour ce dessin, il a commencé à dessiner "non pas avec la sensation de la ville mais avec mes propres émotions. Je me sentais sombre, solitaire, un peu effrayé, et j'ai construit une ville - basée sur New York - à partir de ce sentiment", dit-il. "Au lieu de choisir des formes, j'ai choisi des lumières et des ombres. J'ai d'abord travaillé sur les textures et ajouté des détails plus tard. Finalement, je suis arrivé à un point où tout ce dont j'avais besoin était une petite ancre visuelle pour rendre l'image représentative plutôt qu'abstraite. Dans ce cas, le livreur est devenu le destinataire (et l'incarnation) de mes émotions."

Les héros invisibles

Depuis le début de la crise, Pascal Campion porte une attention particulière à ces héros ordinaires. Comme cette série de dessins qu’il a réalisée, et poste sur les réseaux sociaux. "Les héros ne portent pas toujours des capes. Ils portent des masques. PS :  ils ne portent pas toujours des masques non plus, mais dans ce cas, je parle des aides-soignants", écrit-il, en légende. 

Cet hommage aux invisibles a été salué par des  milliers d’internautes : "Sublime", écrit une Twittos. "Un livreur, seul, sous la pluie, dans Manhattan désertée. Émouvante allégorie de tous les précaires pendant l'épidémie de Covid-19"». Une autre : "Couverture magnifique qui met la lumière sur deux services essentiels : le vélo et les gens qui effectuent nos livraisons. Hommage sombre et touchant."

Les livreurs saluent aussi le geste, comme ci-dessous, le collectif Clap, qui représente les livreurs à vélo parisiens.

Avec cette Une, le New Yorker poursuit son travail d’hommage, débuté ces dernières semaines avec la crise du coronavirus, à toutes ces professions montées au front, livreurs, mais aussi personnels d’entretien ou soignants.

Pascal Campion, lui, a déjà par le passé dessiné pour le New Yorker et ses illustrations montrent sa fascination pour les immenses métropoles, dans lesquels naviguent de petits, tous petits individus.

Sur son travail, de manière plus générale, l’artiste, qui a grandi en France, confie être un grand fan de Sempé, et ses dessins "axés sur la représentation de la vie avec une approche simplifiée. Je suis fasciné par la façon dont quelques coups de pinceau peuvent créer un grand visage, une main, un corps", explique-t-il au New Yorker.

Confinement : les postiers et les livreurs continuent de travaillerSource : JT 20h Semaine

Le confinement a-t-il changé sa vie ? "Je travaillais déjà à la maison", raconte le dessinateur, qui habite à Los Angeles. "Le principal changement est d'ordre psychologique : sous la surface, je ressens un ragoût d'émotions allant de la peur à l'inquiétude en passant par le bonheur. Ils vont et viennent, et travailler est un peu plus difficile à cause de cela. Nous essayons d'aider nos voisins et amis, mais nous sommes inquiets pour les semaines, mois et années à venir."


Sibylle LAURENT

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