Nombre record de nouveaux apprentis : est-ce à Muriel Pénicaud ou aux Régions qu'il faut dire merci ?

Publié le 4 février 2020 à 12h06, mis à jour le 4 février 2020 à 12h29
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Source : JT 20h Semaine

FORMATION - Le nombre de jeunes entrés en apprentissage a progressé de 16% en 2019, pour atteindre un nouveau record de 353.000. Des chiffres dont se félicite la ministre du Travail Muriel Pénicaud, mais les Régions dénoncent des "mensonges" et l'accusent de s’approprier le résultat de leur action.

Alterner entre formations théorique et pratique, étudier tout en travaillant au sein d’une entreprise. La recette de l’apprentissage semble magique : d’après des chiffres publiés ce mardi matin, le nombre de nouveaux apprentis a progressé de 16% en 2019 pour atteindre un nouveau record de 353.000 jeunes. Le ministère du Travail, en officialisant ces bons résultats - au total, il y avait 485.800 apprentis fin 2019 contre 437.000 un an plus tôt -, a mis en avant le fait qu'ils marquaient "pour la première fois une progression à deux chiffres". Certains secteurs sont en effet en forte progression : le nombre d'apprentis a par exemple augmenté de 13% dans le BTP et de 11% dans l'industrie.

A qui attribuer ce succès ? Muriel Pénicaud s'en est félicitée ces derniers jours, se réjouissant dans les colonnes du Parisien que "tous les réseaux concernés voient leur nombre d'apprentis exploser". Mais les régions montent au créneau pour signifier que c'est à elles qu'il faut dire merci.

Plusieurs ingrédients

Comme l'explique le sujet du JT de 20H de TF1 en tête de cet article, ce succès peut d’abord s’expliquer par le contexte économique : le chômage est en baisse, la confiance des entreprises en hausse. Elles cherchent à embaucher mais peinent à trouver les bons profils. "Ces difficultés de recrutement des entreprises font que l'apprentissage est un moyen pour elles d'identifier des talents et si possible de les conserver", explique à TF1 Bertrand Martinot, économiste.

 

Mais une autre raison a pu jouer, mise en avant par le gouvernement : la réforme de l’apprentissage, en 2018, qui a assoupli les conditions d’accès. L'âge maximum est passé de 26 à 30 ans et l'ouverture de centres de formation des apprentis (CFA) a été facilitée : ceux-ci peuvent en effet désormais ouvrir sans autorisation des régions, qui avaient jusqu’ici la compétence en matière d’apprentissage. Ils ne sont plus financés depuis le 1er janvier dernier par celles-ci, mais par l'intermédiaire des branches professionnelles et en fonction du nombre de jeunes sous contrat. 200 nouveaux CFA ont ainsi ouvert leurs portes, sur 554 annoncés.

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Le bras de fer des Régions

Sur les bons chiffres, tout le monde est d’accord et s'en félicite. Mais là où le bât blesse, c 'est sur le "comment". Jusqu'à très récemment donc, la compétence de l'apprentissage relevait des Régions : ce sont elles qui en avaient la charge jusqu’au 31 décembre 2019, avant que l'Etat ne la confie depuis le 1er janvier dernier aux branches professionnelles. Ainsi, elles digèrent mal la présentation des résultats par la ministre du Travail. "Les régions ont financé l'apprentissage à hauteur de 9 milliards d'euros sur les cinq dernières années, dont près d'un milliard d'investissement", indique dans un communiqué l'association Régions de France, qui regroupe l'ensemble des régions françaises. Elle dénonce les "mensonges de Muriel Pénicaud", qui "s’approprie" selon elle "les résultats obtenus grâce à" leur action. Les Régions s'interrogent, aussi, sur l'avenir.

Car cela fait en fait deux ans qu'elles s’opposent à l’Etat sur le sujet. Dans une tribune publiée lundi dans le Figaro, douze présidents de région, tous partis confondus, déplorent cette décision de l’Etat d’assumer désormais lui-même la politique d’apprentissage. Pour eux, l’apprentissage doit être conduit au plus près du terrain. 

Ces élus rappellent ainsi qu’en 2015, lors de la dernière réforme, "l’échelon régional a été confirmé comme le plus pertinent. Les moyens des régions ont donc été renforcés. Des résultats très concrets ont immédiatement été observés avec, en à peine quatre ans, une augmentation des effectifs d’apprentis de plus de 13 %, et ceci pour tous les niveaux de qualification, y compris les niveaux inférieurs au bac". 

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Surtout, les régions reprochent au gouvernement d’avoir "conduit de façon unilatérale une réforme marquée par la centralité, dans laquelle le pilotage se fait depuis Paris, et qui ignore les besoins des territoires au profit des intérêts des branches professionnelles les plus puissantes". Elles craignent les effets pervers de cette centralité, "qui menace le maintien en zones rurales ou dans les quartiers populaires des formations indispensables à l’équilibre de ces territoires", et s'interrogent sur le financement "très incertain" pour la rentrée 2020. "Les 554 intentions de création d'un CFA dont se prévaut Mme Pénicaud se heurteront à la réalité du terrain, avec des fermetures ou des restructurations, notamment en zone rurale". 

Interrogé sur BFM Business, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), François Asselin, a lui jugé la réforme mise en place par le gouvernement comme "bonne".  "Mais là où les régions ont raison, c'est qu'il faudra juger sur plusieurs exercices les résultats", a-t-il affirmé, renvoyant à fin 2020.


La rédaction de TF1info

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