Près d'un million de personnes ont volontairement quitté leur poste entre fin 2021 et début 2022.Une "Grande démission" que l'on peine encore à interpréter.Le CDI, longtemps considéré comme un aboutissement, ne fait plus rêver les jeunes.
Et si on ne retournait pas au travail ? En cette période de rentrée, beaucoup se posent la question. "Chaque fois que je rentre de vacances", confirme une salariée sur le parvis de la Défense (Hauts-de-Seine), "mais ce n'est pas réaliste". Vincent Penot, lui, a franchi ce pas intimidant. Il était ingénieur dans la construction, à la tête d'une grosse équipe. "Ce sont les bureaux où je travaillais, ici, avant", montre-t-il dans le reportage ci-dessus, au pied d'un immeuble de verre.
"C'est une astreinte d'être là tout le temps, avec le temps de transport en plus", témoigne-t-il. L'an dernier, il a tout plaqué pour se mettre à son compte. Comme lui, 470 mille personnes ont démissionné depuis le début de l'année 2022, autant le trimestre précédent, une hausse sans équivalent depuis la période précédant la crise financière de 2008.
Le rapport au travail change, les recruteurs le constatent tous les jours. Chez de nombreux jeunes, souvent diplômés, le CDI n'est plus le Graal qu'il était pour les générations précédentes. Ainsi Youssef, 31 ans, ancien développeur informatique dans un grand cabinet de conseil. S'il gagnait 3.000 euros par mois, c'était en travaillant une soixantaine d'heures par semaine. "Aussi bien payé que cela puisse être", explique-t-il aujourd'hui, "c'est usant". De toute façon, souligne-t-il, "on ne va pas profiter de cet argent pour sortir le soir, et le week-end, j'étais trop fatigué".
Le phénomène de "Grande démission", à la suite de la crise du Covid, éprouvé désormais en France, reste difficile à interpréter, faute de recul. Les chercheurs le rapprochent notamment d'une autre approche du travail par les générations montantes. "Avant, les anciennes générations restaient dans l'entreprise par devoir de loyauté", rappelle Elodie Gentina, auteure de "Génération Z : des Z consommateurs aux Z collaborateurs". Pour l'enseignante, "aujourd'hui les jeunes restent s'ils sont heureux, mais s'ils ne le sont plus ils quittent l'entreprise. Et ils détestent la routine."
C'est précisément le cas de ce groupe de copains trentenaires, tous diplômés de grandes écoles, rencontré par notre équipe. Après cinq ou six ans de CDI, ils ont tous démissionné. Alexis Trutet, ingénieur dans l'automobile, a jugé que son métier n'était pas en accord avec ses valeurs, et en a tiré les conclusions. "Je ne veux pas créer à chaque fois une nouvelle machine d'une tonne, qui deviendra un déchet, et qu'ils en sortent des milliers par jour".
Les membres du groupe préfèrent vivre de petits boulots, certains touchent le chômage et d'autres ont opté pour un statut d'indépendant. Faire carrière dans une même entreprise est inimaginable pour eux, qui n'envisagent de signer un CDI que très ponctuellement. Ils ont conscience d'être privilégiés, car leur choix est réversible : grâce à leurs diplômes, en cas de besoin, ils savent qu'ils trouveront facilement du travail.
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