REPORTAGE - Fonctionnaires le matin, chauffeurs de car le soir : quand les agents publics cumulent deux emplois

V. F | Reportage TF1 Nicolas Hesse et Sébastien Guerche
Publié le 4 janvier 2023 à 12h00

Source : JT 20h Semaine

Il manque aujourd’hui 4 000 chauffeurs de car.
Pour y remédier, le gouvernement vient de publier un décret plutôt surprenant : il autorise tous les fonctionnaires à cumuler leur emploi avec des tournées de ramassage scolaire.
Le 20H de TF1 s'est rendu en Loire-Atlantique pour se pencher sur la mesure.

Le nombre d'emplois vacants continue d'augmenter en France : 372.000 postes sont à pourvoir, dont près de 4.000 chauffeurs de bus. Pour y remédier, l'État a décidé d'autoriser les fonctionnaires à cumuler avec leur emploi "une activité lucrative de conduite d'un véhicule de transport scolaire ou assimilé", selon un décret paru fin 2022 au Journal officiel

À l'image de Nelly qui, au volant de son car, assure tous les jours le transport des écoliers en Loire-Atlantique. C’est un deuxième métier pour cette agente territoriale, car elle travaille aussi à la cantine scolaire de sa commune de Geneston. Deux emplois qu’elle cumule. "Je finis ma tournée vers 9h. Après, de 9h à 11h30, j'ai mon temps libre, donc je fais ce que je veux et après, je passe en restauration scolaire jusqu'à 13h30. Je reprends le service car à 16h, donc ça me laisse aussi du temps. Ça se passe vraiment très bien, j'adore ce que je fais", explique-t-elle dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. 

Pourquoi cette mesure ?

La mesure a été prise pour pallier les "difficultés de recrutement de conducteurs" qui perturbent "le bon fonctionnement" des services de transport scolaire, "ainsi que des transports à la demande, organisés en faveur des élèves et étudiants handicapés", précise le décret gouvernemental. 

C’est aussi un moyen de compléter le revenu de ces fonctionnaires. Christelle, par exemple, qui travaille depuis huit ans comme employée municipale, réfléchit à conduire un car. "Ça apportera un complément de salaire, un double emploi et de nouvelles connaissances. Ce sera aussi d'autres fonctions et de nouvelles responsabilités", dit-elle à TF1. Sa mairie est favorable à cette démarche, mais elle doit veiller au bon fonctionnement de ses services et adapter son organisation.

Quelles conditions ?

Le texte, signé par la Première ministre Elisabeth Borne ainsi que par les ministres de la Fonction publique, Stanislas Guérini, de l'Intérieur, Gérald Darmanin, de la Transition écologique, Christophe Béchu et de la Santé, François Braun est un "dispositif expérimental pour une durée de trois ans". Les agents des trois versants de la fonction publique - État, collectivités et hôpitaux - pourront exercer comme chauffeurs de bus, mais devront obtenir pour cela "une autorisation préalable et individuelle de l'employeur public" dont ils relèvent. L'exercice à titre accessoire de l'activité de chauffeur "ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service d'affectation de l'agent", stipule aussi le texte.

Quelle formation ?

C'est une bonne nouvelle pour les autocaristes qui peinent à recruter. Les futurs candidats seront formés en quelques semaines. "Sans rentrer dans les détails, il y a deux types de formations, entre deux et trois mois et après, une période d'adaptation dans l'entreprise d'une quinzaine de jours", explique à TF1 Patrick Groussin, gérant des autocars Groussin. 

De son côté, Hervé Guillemain, patron des Cars Bleus, remarque toutefois que ce n'est pas la solution miracle à la pénurie de chauffeurs de cars. "On n'a pas de formation initiale, il n'y a pas d'école qui forme nos conducteurs. Donc aujourd'hui, on fait forcément de la formation pour adultes. Si on avait le personnel, nos entreprises fonctionneraient très, très bien. Aujourd'hui, la seule limite de notre production, c'est le manque de conducteurs", affirme-t-il sur France-Bleu

Quelles réactions ?

À la mairie de Geneston, on reste dubitatif face à ce nouveau décret : "On doit essayer de voir ce qui est réalisable, mais ça s'anticipe. Ça ne peut pas se faire au 1er février. Et après, il faut savoir comment ça va se passer ? Qui va financer les formations ? Et à quel temps ?", souligne la maire Karine Paviza. 

Pour Yann Roué, délégué territorial du syndicat Force ouvrière pour la fonction publique, il faut avant tout augmenter les salaires des fonctionnaires. "Il est quand même plus que temps que le gouvernement revalorise le point d'indice des fonctionnaires, puisqu'on a un gel du point d'indice depuis plusieurs années. Même si on a eu 3,5 % dernièrement, c'est loin par rapport à l'inflation qu'on a pu subir cette année", fait-il valoir sur France-Bleu. Il ajoute par ailleurs : "On a du mal à trouver des secrétaires de mairie, on a du mal à trouver des maçons. Si en plus, il faut aller pallier d'autres corps de métier qui ont des problématiques, ça va devenir très, très compliqué pour la fonction publique territoriale."


V. F | Reportage TF1 Nicolas Hesse et Sébastien Guerche

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