ÉVASION – Que l’on soit en Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion ou à Mayotte, les coutumes des îles entremêlent d’étranges histoires racontées aux enfants par leurs grands-parents, des repas familiaux au bord de l’eau et des veillées mortuaires en forme d’escortes. Nous avons recueilli les témoignages de ressortissants de ces quatre îles françaises.
"L’homme de culture doit être un inventeur d’âme", se plaisait à répéter l’écrivain martiniquais Aimé Césaire. Dans les régions tropicales françaises de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion et de Mayotte, les insulaires restent profondément marqués par les façons de faire de leurs ainés. Se vêtir, danser, pêcher, se retrouver autour de la musique pour fortifier et réinventer les esprits. Chacun continue à se laisser bercer. Betty Cerveaux-Mayer, réunionnaise exilée à Paris, craint néanmoins que certaines coutumes se perdent dans les méandres des nouvelles technologies avec notamment les messageries instantanées et les réseaux sociaux. Betty ne s’en laisse pas conter et en fait une arme : elle utilise Facebook pour transmettre et organiser à Paris les coutumes de chez elle.
Pique-niques au bord de l’eau
La plus répandue, que la Réunion partage avec les autres îles tropicales françaises, consiste à pique-niquer en famille ou entre amis, souvent les dimanches, au bord de la mer. Les Réunionnais préfèrent les sous-bois tandis qu’en Martinique, on installe des grands tissus aux branches des cocotiers pour déjeuner en dessous à l’ombre. Chacun ramène sa marmite. La convivialité triomphe partout : on joue de la musique, on danse, on chante. Il y a quelques années, Betty a organisé plusieurs pique-niques sur le parvis de la Tour Eiffel : l’un d’entre eux a réuni près de 800 personnes dansant le maloya sur des airs du groupe Lindigo. "Je n’ai pas réalisé tout de suite, mais je me suis sentie fière d’avoir réussi à organiser cette fête avec la présence du groupe de musique", témoigne Betty.
Histoires et légendes
À Mayotte, il existe un petit îlot de sable blanc au large de la Pointe Saziley. Hichma Stagia, étudiante mahoraise exilée en région parisienne, raconte : "Il y a bien longtemps un roi charitable invita tout Mayotte à la cérémonie de mariage de sa fille. Il décréta que les invités n’auraient pas à poser le pied à même la terre, afin d’éviter de se salir les pieds, et qu'ils n'auraient pas à s'asseoir sur les nattes traditionnelles. Du riz blanc fut répandu sur toute l’île. Le tout-puissant, en colère contre ce gâchis, submergea le village d’eau et tous les villageois disparurent." Aujourd’hui, si vous naviguez près de Mtsanga Tsoholé, la plage de riz, les pécheurs vous conseillent de jeter un bijou ou un morceau d'étoffe en offrande, pour s'assurer que le voyage se passera bien.
Les légendes, les granmoun (grand-parents) les racontent à la Réunions. Betty jure qu’elles font souvent peur aux enfants : "Endormie, ma grand-mère découvre un coffre rempli d’or en bas de la ravine. Elle se précipite pour le garder, mais avant d’y accéder son mari la réveille. On dit qu’elle n’aurait pas survécu si elle était descendue jusqu’en bas. Ça nous faisait peur, ça nous faisait penser à de la sorcellerie. Nos anciennes nous disaient ces histoires au coin du feu. On changeait de maison tous les 15 jours pour écouter de nouvelles légendes."
Veillée mortuaire
Alexandra Albéri, administratrice du groupe "J’aime la Guadeloupe" nous invite au cœur d’une veillée mortuaire. Ça n’a rien de joyeux au premier abord, mais sur l’île papillon, les Guadeloupéens tiennent à accompagner le défunt vers son repos. "Quelques jours avant de l’enterrer, la famille se rassemble autour du lit. On joue aux dominos, des musiciens font du gwoka (musique traditionnelle), on raconte la vie de la personne", décrit Alexandra. "On mange une bonne soupe grasse, on boit du café et du rhum. La famille doit transporter le défunt avec dignité."
Pêche sous la pluie
Olivier Ollon, surveillant de prison martiniquais exilé en métropole, s’attache à la nature. Il aime sortir en septembre, au moment des pluies diluviennes, pour pêcher le mantou. Il s’agit d’un crabe aux pattes violettes avec de longs poils noirs. "Je les pêche à la main. Quand on le mange, on devient soporifique et on a une subite envie de dormir."
Vêtement mahorais
Tous les vendredis, certaines le portent quotidiennement, les Mahoraises s’habillent en salouva. La tenue traditionnelle mahoraise consiste à nouer deux bouts de tissus : un cousu autour de la taille, l’autre autour de la tête ou sur l’épaule que l’on porte comme un voile. Les tissus peuvent être de toute sorte, brodés et de plein de couleurs. Porté au travail, à l’école, lors des mariages ou même des enterrements, il démarque la femme dont le rôle, très important à Mayotte, ne s’est jamais démenti. Ce sont par exemple les femmes qui possèdent les terres et les maisons dans le plus jeune département français.