C'est l'un des secrets les mieux gardés d'Amérique du Nord. Archipel méconnu des touristes, les Mille-Îles sont autant de joyaux dispersés à la surface du fleuve Saint-Laurent. Un paysage presque surnaturel à la frontière entre les États-Unis et le Canada.
À l'abri des regards, les familles les plus riches de tout le pays y ont élu domicile. Leur tranquillité à peine perturbée par les bateaux de touristes comme celui sur lequel nous nous trouvons pour l'une des dernières croisières de la saison. Nous ne pouvons vous montrer les 1 864 îles, mais nous allons accoster sur les plus belles et mystérieuses d'entre elles : Heart Island, l'île Cœur en français, abrite le château Boldt. Une demeure qui était sur le point de s'endormir pour l'hiver, mais son directeur va la réveiller exprès pour nous. Georges Boldt, un riche hôtelier, a bâti en 1899 cette immense demeure pour sa femme, mais elle meurt subitement quelques mois plus tard. Ils n'habiteront jamais le château. Ce site est l'attraction des Mille-Îles. Personne ne repart d'ici sans signer le registre et faire la photo souvenir en dessous de dôme en verre.
Sur une île juste en face, nous croisons ces retraités, propriétaires d'une résidence secondaire. Une île est à vendre en ce moment : Little Lehigh Island, 2 000 m². Elle coûte 1,6 million de dollars, négociable. Le lancé de citrouille marque la fin de la saison touristique dans les îles chaque année. Tous les habitants de la région s'y retrouvent en famille. Chaque équipe fabrique sa propre catapulte.
Puis, nous sommes partis à la rencontre de l'un des très rares habitants qui va y rester cet hiver. Il est le gardien des îles pendant les mois de grand froid. Tout le monde l'appelle Doc pour docteur. À 84 ans, Richard Withington n'a jamais cessé ses activités de secourisme. Pendant les six prochains mois, Doc sera l'unique habitant de l'une des plus grandes îles de l'archipel : Round Island. Ils sont à peine vingt dans toutes les Mille-Îles à rester pour affronter l'hiver. Doc possède un bateau qui peut naviguer sur la glace à toute allure. Nous aurions bien aimé voir ça, mais dommage qu'à l'automne, le fleuve Saint-Laurent ne s'est pas encore transformé en Banquise. Chaque soir ou presque, il observe en solitaire en spectateur privilégié un crépuscule incandescent.